Tate – Jeudi 31 mars
Cela faisait désormais plus d'un mois que j'attendais désespérément quelque chose qui ne reviendrait jamais. Plutôt quelqu'un, en réalité. Paul était parti définitivement, comme un voleur, emportant avec lui une grosse partie de mon envie de vivre.
Plus le temps passait, plus je lui en voulais. Il était revenu pour coucher avec moi, me donnant de l'espoir. Je ne m'en étais pas rendu compte immédiatement. Après tout, il avait été clair que c'était sa dernière visite, il me l'avait répété suffisamment de fois. J'étais convaincu, à ce moment-là, que cela me conviendrait et que c'était une expérience que j'attendais depuis tellement longtemps que je ne pourrais jamais la regretter. Quelle erreur.
Sa manière de me dire adieu avait développé en moi ce dernier mois un tourbillon d'émotions plus terribles que les autres. Mon esprit n'était pas tranquille une seule seconde. Je pouvais passer de l'euphorie à une rage noire en quelques instants, ce qui me donnait parfois l'impression nauséabonde d'être sans cœur.
Chaque seconde sans lui était une véritable torture. Je sentais encore la chaleur de ses doigts sur ma peau, l'océan de son regard plongé dans le mien, son sourire imprimé dans mon cerveau. Chaque pas que je faisais m'enfonçait dans le sol plus profondément, j'avais l'impression d'être engouffré dans des sables mouvants qui m'avalaient tout entier.
Si tout avait commencé dès qu'il avait quitté ma chambre, j'aurais peut-être déjà accepté à l'heure qu'il était. Cependant, je m'étais voilé la tête plusieurs jours et la chute avait plus dure encore. J'avais cru que je pouvais tout surmonter sans problème, que faire l'amour avec lui me rapprocherait de lui d'une certaine manière. À la place, je découvrais que son absence me rendait physiquement malade.
C'était aussi difficile à admettre pour moi que pour les autres. Ils me répétaient sans arrêt que quelqu'un d'autre m'attendait, que je tomberais amoureux de nouveau. Je savais que c'était peut-être vrai et qu'ils ne disaient pas cela juste pour me rassurer. Pourtant, à chaque fois que j'entendais ces mots, je ressentais une rancœur sombre.
Pourquoi est-ce que Paul avait attendu le dernier moment pour tout m'avouer ? Pourquoi m'avait-il donné tous ces espoirs avant de s'enfuir ? Il était la perfection incarnée dans mon esprit, j'étais convaincu que rien ni personne ne lui arriverait à la cheville.
Je me détestais de ressentir tout cela. Après tout j'avais fini par accepter qu'il ne reviendrait jamais. J'étais douloureusement redescendu sur Terre et c'était bien le problème. J'aurais presque préféré rester enfermé dans un mensonge.
Alors mon état avait dégénéré lentement. Lors de la précédente visite médicale, les médecins ne s'étaient pas alarmés, pourtant j'avais bien entendu le mot dépression. Il y avait des rumeurs sombres à l'Internat concernant les personnes atteintes de cette pathologie : elles finissaient toutes par disparaître. Je n'avais aucun désir de faire partie de cette crique de morts-vivants, donc je faisais tout pour remonter la pente.
Malgré mes efforts, mon corps ne voulait rien entendre. Le matin je pleurais et je finissais systématiquement agenouillé devant les toilettes, je ne parvenais pas à garder un repas même le plus simple et les simples odeurs me rendaient malade.
Adonis était vert d'inquiétude, il était en première ligne et je ne réussissais pas à lui cacher mon état. Même Weaston tentait l'impossible pour m'aider, nous nous étions légèrement rapprochés depuis mon séjour à l'hôpital. En tous cas, il soutenait toute la chambrée à bout de bras, repoussant Adonis lorsque c'était nécessaire pour ne pas l'alerter, me supportant à chaque fois que j'en avais besoin. Il avait pris cette place qu'aurait eu Nathen quelques semaines plus tôt.
VOUS LISEZ
Bluesfield [Boy x Boy - en réécriture]
Science FictionUn institut spécialisé nommé Bluesfield. C'était là que Tate avait atterri dés sa naissance comme une dizaine d'autres enfants la même année. Qu'est-ce ? Un endroit effrayant où le groupe de garçons arrachés à leur monde vit de la naissance à la mor...