Chapitre 12 : Sortie nocturne

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Tate – Vendredi 1 avril

Mon réveil fut brutal. L'alarme nous déchirait les tympans ; une alarme stridente accompagnée de cris assourdissants de panique.

Je n'avais aucune idée de ce qui se passait. Je ne connaissais rien de cette situation. Je jetai un œil à Paul qui était déjà assis sur son lit, ainsi qu'Adonis qui gémissait de peur dans le sien à implorer le bruit de s'arrêter, les paumes à plat sur ses oreilles, les larmes dévalant ses yeux, le corps secoué de spasmes d'effroi. Je ne voyais pas Weaston dans le dernier lit, mais je savais qu'il était dans le même état que nous. J'aurais bien voulu être capable de tous les rassurer, mais je n'étais pas plus serein qu'eux.

Je sursautai lorsque notre porte s'ouvrit à la volée sur un surveillant qui nous hurla par-dessus le reste de sortir. Son ton était brutal et j'entendais d'autres de ses collègues qui demandaient la même chose à nos voisins. Je me levai précipitamment, ne prenant aucune affaire comme on nous le demandait et tendis la main à Adonis pour l'inciter à suivre les ordres. Nous étions tous dans ce pyjama noir et bientôt, l'air se teinta de la même couleur. Paul fut saisi d'une quinte de toux, l'alarme me parut encore plus bruyante, le couloir plus opaque.

Adonis sanglotait près de moi et criait que nous allions tous mourir tandis que je tâchais de conserver mon calme. Un homme, derrière la brume, nous indiquait du doigt le chemin à suivre pour sortir du bâtiment. La chaleur devenait aussi étouffante que le brouillard et nos yeux pleuraient seuls, saisis par la douloureuse brûlure de l'air. Mes poumons donnaient l'impression d'étouffer, comme pris dans un étau. Nous nous tenions les uns aux autres comme à la vie, nos mains entrelacées, serrées.

En tournant les yeux vers la droite, vers une chambre du rez-de-chaussée, alors que nos courrions vers le champ opposé pour éviter de nous nous faire surprendre nous-mêmes par les flammes, je vis l'objet du délit. Cet homme, avachi en arrière sur son lit, à travers la fenêtre, à travers du feu qui dansait devant nos visages illuminés.

Je fus fasciné en voyant ce corps immobile, le bras coincé sur lui-même. Il était dans une posture immobile, sa peau noircissait, formait des bulles et je fus pris d'un brusque mouvement de recul lorsque son bras se détacha du corps. Son expression était figée, comme s'il n'avait aucune idée de ce qui lui arrivait, comme s'il n'avait pas ressenti cette chaleur qui entourait son être, comme s'il s'était laissé avaler. Les murs semblaient incandescents de l'extérieur, les flammes étaient chaleureuses, accueillantes. Je me surpris presque à les apprécier. J'entendis ensuite les sons, les paroles mêlées, désorganisées.

« Il s'est enfui de son plein gré. ».

« Bree Grafton. Une bien maigre perte. Il n'avait rien pour lui. Pas même l'intelligence pour comprendre que si nous mettons des interdictions, c'est pour la sécurité de tous. Cette mort entraînera une traque infinie au sein de Bluesfield. Cette mort n'est qu'un symbole pour l'obéissance future. Et tant pis pour lui. C'était que le châtiment qu'il méritait. Il a même bien fait de mourir. Sa vie n'en aurait été que pire. »

Je me levai d'un bond dans mon lit, le souffle court, le front dégoulinant de sueur. Mes yeux cherchèrent Paul du regard avant tout mais je ne tombai que sur un lit vide, ordonné. Alarmé, je soufflai presque de soulagement en entendant les ronflements calmes d'Adonis et Weaston. Ma main se déporta aussitôt sur ma poitrine, mon souffle sonda l'air, recherchant une infime particule de fumée, le regard fuyant, l'âme alerte.

Ce n'était qu'un cauchemar. Un cauchemar tiré de mes souvenirs les plus profonds.

Je revoyais encore les flammes danser devant mes yeux et je me souvenais de cette odeur âcre. Mais je n'avais pas été émerveillé, contrairement à dans ce songe. Mes larmes avaient ravagé mon visage et mes sanglots m'avaient poursuivi pendant des jours. J'avais encore l'image de ce bras qui se détachait de ce corps déjà incomplet et grillé. Aussitôt, je me dirigeai vers ma commode pour en extirper mon écharpe, mes gants en laine et mon manteau.

Bluesfield [Boy x Boy - en réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant