Tate – Samedi 19 février
Une semaine était passée. Une semaine d'examens en moins sur l'agenda. Sans surprise, j'avais échoué en biologie et en chimie, mais j'avais brillé dans les matières les plus littéraires, celles qui demandaient de l'esprit, un minimum de philosophie et de logique. La semaine suivante nous jugerait sur notre capacité à nous occuper des jeunes enfants puisqu'il s'agissait là de notre principal objectif.
J'étais tout de même bien heureux de ne plus avoir à passer des heures interminables à la bibliothèque pour cravacher sur des leçons plus inintéressantes les uns que les autres, m'acharnant sur des parties compliquées que je n'avais toujours pas comprises. Mes amis des autres cursus s'étaient également tués à la tâche, notamment ceux du cursus sportif. Adonis était quelqu'un de sérieux mais Easton avait toujours une réflexion pour rire et les révisions pouvaient vite prendre une autre tournure. Quant à ceux du cursus populaire, ils commentaient avec mépris tous les sujets abordés.
Ce week-end, je m'étais résigné à réécrire au propre mon carnet de notes concernant les cours pratiques, notamment en garderie et en école primaire. Les enfants de trois à douze ans étaient de vraies mines d'informations concernant Bluesfield, mais je n'allais pas me risquer à dévoiler tous mes questionnements dans mes devoirs. Il s'agissait plutôt de décrire de façon détaillée et méthodique toutes les activités proposées au sein des plateformes pour la jeunesse. Énumérer les règlements concernant les différentes tâches qui nous étaient proposées étaient également de vigueur. Cela me valut facilement plusieurs pages remplies d'encre. Cela n'en était pas moins barbant, mais au moins j'avais respecté les consignes. Aucun ressenti personnel. Aucun contenu subjectif.
J'avais passé une longue partie de mon samedi à rédiger ce carnet. J'avais l'impression de tenir un journal intime dans lequel j'avais un intérêt malsain envers les nourrissons. Je devais me rendre à l'évidence : chaque membre du cursus général devait avoir un contenu tout aussi douteux. Pour autant, très peu aimaient s'occuper d'un bébé. Après tout, ils reflétaient ce qu'on avait tous perdu et nous savions que quoi que nous fissions, ils finiraient aussi mal que nous.
Après un soupir las et en refermant bruyamment mon cahier, je me tournai vers Easton qui fixait avec un air particulièrement amusée le tricot de Yann qui prenait une forme inattendue. La joue posée sur la main, un sourire au coin des lèvres, son visage se passait de commentaire. Il était vrai que le rendu ne ressemblait pas exactement au modèle proposé.
Adonis, à ses côtés, s'était endormi la tête entre ses bras. Il ne manquait plus que le filet de bave qui glissait jusqu'à son livre pour devenir un parfait stéréotype. Quant aux autres, ils étaient bien trop concentrés sur leurs travaux respectifs qu'ils n'en avaient pas grand-chose à faire que je fusse éreinté à force de réviser. D'ailleurs, même s'ils n'avaient pas été aussi concentrés sur leur tâche, je doutais qu'ils s'y fussent intéressé, je n'étais pas le centre du monde après tout.
Je songeais à inventer une histoire de toute pièce lorsqu'une main glaciale se posa sur mon épaule. Je sursautai et me figeai en me demandant de qui il pouvait bien s'agir. Je ne parlais pas à grand monde à l'internat bien que nous nous connaissions quasiment tous. Mon cercle restreint d'amis se limitait à ces types qui étaient assis à la même table que moi et aucun d'entre eux s'était levé ou absenté. Ils étaient tous déjà là.
Sentant un souffle sur ma joue et entendant cette voix rauque qui n'existait plus que dans mes rêves, je me retournai vivement pour trouver l'homme qui m'avait tant fait souffrir ces derniers temps. Je savais bien qu'il n'avait rien décidé de son plein gré, mais c'était assez difficile à admettre. Figé face à son sourire adorable et si réel, je ne pus m'empêcher de rester là à le fixer comme un con fixerait une chose incompréhensible écrite au tableau.
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Bluesfield [Boy x Boy - en réécriture]
Fiksi IlmiahUn institut spécialisé nommé Bluesfield. C'était là que Tate avait atterri dés sa naissance comme une dizaine d'autres enfants la même année. Qu'est-ce ? Un endroit effrayant où le groupe de garçons arrachés à leur monde vit de la naissance à la mor...