Tate – Dimanche 10 juillet
Cela faisait deux jours. Deux jours interminables. Deux jours infernaux. Dès que je fermais les yeux, je revoyais la scène macabre se dérouler dans ma tête. Quand j'avais les yeux ouverts, je ne voyais que la tâche sombre sur le plancher qui n'avait pas pu être entièrement effacée après des heures de ménage. Je n'arrivais pas à manger, pas plus qu'à dormir. Je ne réussissais pas à me détourner de ces cauchemars.
Paul n'était pas venu me voir depuis le meurtre. En revanche, Finn passait sans arrêt. Il était inquiet par toutes ces émotions qui avaient pu me transpercer en une seule journée. Il avait évoqué la possibilité d'une fausse couche, me posait des centaines de questions sans obtenir de réponses. Je n'arrivais pas à lui répondre, c'était trop dur de me concentrer sur moi alors que Mario était mort devant mes yeux.
Apparemment, mon état n'était pas si alarmant, d'un point de vue physique. On m'avait injecté plus de produits en intraveineuse qu'ordinairement, mais j'avais cru entendre que le bébé se portait bien. Joas passait plusieurs fois par jour, remplaçant son prédécesseur. Il ne m'avait pas décroché un mot, mais j'avais vu sa mine soucieuse avant qu'il ne se détournât d'un coup. À sa manière, il faisait son deuil.
Nous étions encore le matin lorsque Finn arriva avec Joas. Ce dernier passa un coup sur tous les meubles déjà propres, mécaniquement, me jetant quelques fois des œillades rapides. Le docteur, lui, le laissait faire, concentré sur mon état.
« Le futur bébé est toujours en forme ? Tu le sens bouger ? »
Ma main se déporta d'elle-même sur l'arrondi de mon ventre où effectivement je sentis un léger mouvement. J'entrouvris les lèvres pour répondre mais ma voix refusa de sortir. Je voulais voir Paul, je voulais sortir de cet endroit, je ne voulais plus de ces images affreuses qui défilaient dans ma tête. Finn inclina légèrement la tête et utilisa son stéthoscope pour vérifier par ses propres moyens la réponse qu'il attendait.
« On va procéder autrement, aujourd'hui. Ça va être un peu douloureux, mais j'ai l'impression qu'on ne réussira pas à avancer si on ne passe pas par cette étape. »
Il marqua une pause légère et me demanda de but en blanc :
« Est-ce que tu peux me raconter ce que tu as vu, vendredi soir ? »
Je relevai la tête, les yeux écarquillés, je vis Joas faire de même derrière lui. Je n'avais pas envie d'en parler. Je reculai en me propulsant d'un pied, me recroquevillai en protégeant mon ventre et me mis à sangloter bruyamment. Je n'avais pas mal, le bébé bougeait, Finn ne me blesserait jamais, pourtant je me sentais menacé.
Je ne savais même pas quoi lui répondre, j'ignorais ce qui s'était passé. J'avais tout vu comme un spectateur, mais je n'avais pas les clés pour comprendre. Est-ce que je désirais vraiment m'aventurer dans ce terrain ? J'avais perdu un de mes seuls amis qui avait le droit de venir me voir, je l'avais vu mourir sans savoir pourquoi, avec un inconnu qui s'était aventuré dans ma chambre. Je ne savais pas d'où il sortait, ni comment il était venu. Qu'est-ce que je pourrais dire ?
Je n'arrivais pas à réaliser que Mario ne viendrait plus jamais me voir. Il venait me voir tous les jours, plusieurs fois, prenait toujours le temps de me parler, de me rassurer, de me faire penser à autre chose. Comment imaginer un tel destin pour un homme si bienveillant ?
Finn secoua la tête et tourna le regard vers Joas qui haussa les épaules. Il se releva, lissa sa blouse, fit sortir le jeune homme à sa suite et fut rapidement remplacé par un autre individu que je ne connaissais pas. Un grand type qui devait mesurer presque deux mètres, une blouse tombante jusqu'aux genoux, le front dégarni et les cheveux blancs, imberbe.
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Bluesfield [Boy x Boy - en réécriture]
Ciencia FicciónUn institut spécialisé nommé Bluesfield. C'était là que Tate avait atterri dés sa naissance comme une dizaine d'autres enfants la même année. Qu'est-ce ? Un endroit effrayant où le groupe de garçons arrachés à leur monde vit de la naissance à la mor...