Tate – Mercredi 9 février
Je fus réveillé par un doux bruit d'eau qui coulait. Ouvrant un œil, je m'attendais à voir Weaston en train de me fusiller du regard pour me faire comprendre que je devrais me dépêcher, mais je ne voyais rien d'autre qu'un filet de lumière qui provenait de la salle d'eau. Je me frottai la paupière et attendais quelques secondes que ma vue s'adaptât à la noirceur et regardai quel lit était vide. Adonis dormait profondément, Weaston ronflait. Je m'assis en vitesse lorsque je compris ce que cela signifiait.
Le dernier évoqué grommela quelque chose dans son sommeil et je pris cela comme un signe que je devais faire moins de bruit. Il était à peine une heure du matin. Je me levai et marchai sur la pointe des pieds jusqu'à la porte qui me séparait de Paul, entrant sans prévenir. Sous le jet d'eau de la douche, il ne m'entendit pas entrer, pas plus qu'il ne vit que je refermais la porte derrière moi. J'avais bien l'intention de parler avec mon meilleur ami et je n'avais aucune envie de réveiller nos colocataires.
L'eau coulait dans la douche et l'air était tellement embué que nous ne voyions pas clair à plus d'un mètre devant soi. Je me tournai vers l'intérieur de la petite cabine isolée et ouvris la porte. Paul m'apparut alors de dos, nu, les mains dans les cheveux. Il était en train de se rincer. Je secouai la tête en me demandant ce que je foutais dans la même cabine de douche que lui, puis pouffai de rire en me rendant compte de l'absurdité de la situation.
Paul, m'ayant entendu, se retourna et sursauta en me voyant là, derrière sa porte de douche, à fixer l'arrière de sa tête. Il retint un cri qui se transforma en couinement et éteignit précipitamment l'eau. Son regard plongea ensuite dans le mien ave une telle intensité qui n'exprimait même plus de surprise. Il avait simplement l'air de se demander ce que je foutais là, ce que je serais bien impossible de dire. J'avais agi sans réfléchir à partir du moment où j'avais compris qui était derrière le mur.
« Tate ? Que fais-tu debout à cette heure ? demanda-t-il sur un ton ahuri. Tu devrais encore dormir.
- J'ai entendu la douche, avouai-je sans mentir.
- Tu ne t'es pas dit que tu devrais te rendormir ? s'étonna-t-il.
- Il fallait que je te voie, confessai-je à voix basse.
- À tel point que tu n'as pas pu attendre la fin de ma douche ? Tu étais désespéré à ce point ?
- Je voulais être sûr que tu ne t'envoles pas. »
Paul sourcilla et oscilla du regard entre le pommeau qu'il tenait dans sa main et moi. Il m'intima d'une voix douce de l'attendre pendant qu'il se rinçait. Je m'attardais quelques secondes de trop sur les cernes qui entouraient ses yeux qui paraissaient noirs avec le peu de clarté. Je finis par acquiescer en hochant précipitamment la tête et refermai la paroi de la douche pour m'asseoir sur le lavabo.
Je me mis à cogiter : que voulait bien dire cette lettre ? Pourquoi avait-il l'air aussi fatigué ? J'avais besoin d'avoir des explications. Je devais lui parler aussi des autres, notamment de Yann, même si je crevais de jalousie pour eux.
Je profitai de ce temps pour remettre de l'ordre dans mes idées avant de regarder à travers les vitres embuées. La silhouette du corps de Paul y était dessinée à l'encre grise, bougeant en rythme de la droite vers la gauche. Ses mains passèrent de ses cheveux au haut de son corps, à ses hanches, plus bas. Lorsqu'il éteignit l'eau, j'étais plongé dans mon admiration, observant l'ombre de son visage. Je ne me rendis même pas compte qu'il me parlait.
Il resta un instant immobile à me fixer en retour sans qu'un mot ne fût échangé. Son expression était curieuse, il avait l'air de réfléchir. Je mourrais d'envie de l'embrasser, de savoir quel goût avaient ses lèvres, de voir à quel point sa peau était douce et chaude. Je secouai la tête et détournai le regard lorsque je me rendis compte que nous nous dévisagions l'un l'autre, priant pour qu'il n'eût pas compris ce que je m'imaginais. Par égard pour son couple, je n'avais pas le droit.
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Bluesfield [Boy x Boy - en réécriture]
Fiksi IlmiahUn institut spécialisé nommé Bluesfield. C'était là que Tate avait atterri dés sa naissance comme une dizaine d'autres enfants la même année. Qu'est-ce ? Un endroit effrayant où le groupe de garçons arrachés à leur monde vit de la naissance à la mor...