Tate – Samedi 23 juillet
Cinq mois. Cinq mois que j'attendais un enfant. On m'avait déclaré qu'il m'en restait environ quatre, presque autant que ce que j'avais déjà vécu. J'avais pourtant déjà hâte d'en finir. Les derniers quarante-huit heures avaient été un véritable supplice. Mon temps s'était résumé à vomir, dormir, vomir, tenter de manger et vomir de nouveau. Le ventre vide ou le ventre plein, mon corps s'en fichait pas mal. Les médecins s'étaient donné le mot : je n'avais le droit à aucun traitement car ils ne savaient pas ce qui serait dangereux pour l'enfant.
La nausée s'était tarie, mais je subissais encore les violentes crampes d'estomac et l'impression nauséabonde d'avoir un truc malodorant collé sous le nez. Ce n'était pas comme au début de la grossesse, rien de comparable. La douleur m'assommait, j'en avais pleuré en essayant de dormir. Paul n'avait pas pu venir me voir puisque j'étais potentiellement contagieux et les médecins s'armaient de toutes les précautions nécessaires.
Dans mon malheur, j'avais tout de même eu de la chance : un jour de plus et on me transférait en quarantaine dans une chambre médicalisée. J'avais pu me réhydrater seul et remanger de petites quantités, suffisantes pour reprendre des forces. Un soupir s'échappa de mes lèvres. Bon sang que j'aurais aimé ne jamais attendre cet enfant. Tout aurait été tellement plus simple ! Parce que si j'avais toujours considéré que Bluesfield était un véritable enfer, ce que je vivais n'était pas mieux.
Finn, qui faisait sa ronde habituelle, vint à ma rencontre au milieu de la matinée. Encore allongé, je le laissai s'approcher tranquillement en jetant un œil à mon petit-déjeuner bien entamé. Il esquissa un mouvement de tête approbateur avant de me rejoindre avec son matériel médical.
« Alors, comment vas-tu, ce matin ? me demanda-t-il joyeusement. Tu as meilleure mine qu'hier.
- C'est un peu mieux qu'hier soir.
- Pas de nouveaux vomissements, apparemment, c'est une bonne nouvelle. Les maux de ventre se sont apaisés ?
- Un peu, c'est toujours désagréable. »
Il hocha la tête et nota l'information dans un coin de son calepin avant de sortir un stéthoscope pour le passer sur tout l'avant de mon corps, s'attardant particulièrement sur le futur bébé, qu'il trouva assez en forme. Je ne pouvais pas le contredire, il bougeait assez souvent et me faisait toujours grossir. J'avais fait la remarque à Finn que j'avais l'impression de ressembler à une grosse boule, mais il m'avait rassuré en me disant que j'étais encore en dessous des courbes et que ce serait pire quand j'arriverais dans les derniers mois.
Pour la délicatesse, on repasserait.
« Paul a reçu l'autorisation de revenir te voir. Il viendra lorsqu'il aura terminé ses cours. »
Je hochai la tête et répondis aux questions qu'il me posa par la suite, cette fois sur mon état mental. Depuis la mort de Mario, les choses étaient étranges. J'étais terrifié que quelque chose de nouveau se passât. Je parlais à peine à Joas qui avait fini par être remplacé de nouveau par un jeune homme à peine entré dans le cursus scientifique. Il ne s'était rien passé de particulier avec lui, comme mon ami me l'avait dit avant de mourir, il s'était adouci. Pour autant, je n'arrivais pas à faire confiance à quelqu'un de nouveau.
Alors lorsque Finn me demanda si j'avais remarqué des changements dans mon comportement, je faillis lui rire au nez. Qu'il prît ma place, avec un bébé qui évoluait dans un corps qui n'était pas conçu pour à l'origine, dans une chambre qui me rappelait la mort chaque minute, enfermé à double tour et isolé du monde extérieur.
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Bluesfield [Boy x Boy - en réécriture]
Ciencia FicciónUn institut spécialisé nommé Bluesfield. C'était là que Tate avait atterri dés sa naissance comme une dizaine d'autres enfants la même année. Qu'est-ce ? Un endroit effrayant où le groupe de garçons arrachés à leur monde vit de la naissance à la mor...