Chapitre 8

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Ambre était assise dans son lit, la couette remontée autant que possible sur son ventre, en train d'essayer de lire les Maximes de La Rochefoucauld, probablement le livre le plus pénible de toute la création, quand son téléphone posé près d'elle s'alluma pour afficher une notification. Florent Diot avait répondu au message Facebook qu'elle lui avait envoyé un peu plus tôt dans l'après-midi, dans lequel elle lui transmettait le lien de la page de Léa Rouanet sous le nom de Chloé Edj. Elle lâcha son livre sans se soucier de marquer la page pour se jeter sur son téléphone et lire les mots de Florent.

« Effectivement, on dirait bien que c'est elle sur la photo, et la date de naissance qui est indiquée peut correspondre. Mais c'est quand même fou, je n'avais jamais entendu parler d'une quelconque page Facebook sous un pseudo, et il n'y a même pas mentionné la ville où elle habite, ni le lycée où elle a été. Je ne comprends pas comment tu as fait pour trouver cette page, je ne savais même pas qu'elle aimait bien L'Ecume des Jours, moi je ne l'ai pas lue donc je ne me rends pas trop compte. »

« Donc tu me confirmes que c'est bien elle sur la photo ? » écrivit Ambre.

Elle pouvait encore sentir l'excitation qui était violemment montée en elle à l'instant où ses yeux s'étaient posés sur cette photo de profil. Elle frétillait presque sur son matelas. En trouvant cette page Facebook, elle avait immédiatement eu la certitude que sa recherche allait faire un bond en avant, et qu'elle venait de mettre la main sur l'élément qui lui manquait pour déclencher tout le reste.

« C'est difficile d'en être sûr, mais oui, je crois bien la reconnaître. » répondit Florent quelques secondes plus tard.

Ambre sentait son cœur dans sa poitrine, ses mains tremblaient légèrement. Sa certitude était toujours présente, et pourtant, depuis quelques heures, un autre sentiment la hantait.

« Je lui ai envoyé un message privé expliquant que je cherchais Léa Rouanet et que j'étais la nouvelle locataire de sa chambre au 28 rue Albert Camus, mais je n'ai pas encore de réponse et il est noté qu'elle n'a pas vu mon message. Elle n'a pas dû se connecter depuis cet après-midi. »

« Tu veux que je lui en envoie un aussi ? Comme elle me connaît, elle répondra peut-être plus vite. »

C'était exactement ce qu'Ambre voulait. Elle se surprit à hocher la tête toute seule devant son téléphone. Léa la prendrait peut-être pour une folle en trouvant son message, et risquait d'hésiter quant à la façon de répondre. En revanche, si elle trouvait un gentil message envoyé par son ancien colocataire, simplement venu aux nouvelles, sa réponse serait sans doute plus spontanée. Ambre approuva donc la proposition de Florent, en le remerciant pour son aide précieuse.

« Tes histoires m'ont donné envie de savoir où elle est et ce qu'elle fait cette année, » écrivit-il, lui faisant comprendre que son offre était également personnellement intéressée.

« Alors il n'y a plus qu'à attendre, » ajouta Florent avec un émoticône faisant un clin d'œil.

Ambre resta un temps cramponnée à son téléphone, relisant la fin de la conversation. Ce deuxième sentiment la gagnait de nouveau. L'angoisse d'une attente qui s'éternise, au point de redouter que rien de ce que l'on espérait ne se produise, que tout ce temps perdu, épuisé, ne s'achève ni dans le bouquet final d'un feu d'artifice, ni même dans l'explosion d'une bombe, mais qu'il n'y ait rien. Du temps, du silence et du vide, absolument rien qui surgisse ou perturbe. C'était ce qui l'écrasait lorsqu'elle attendait de croiser de nouveau l'inconnue, ou qu'elle espérait une information qui la propulse vers le départ de quelque chose. C'était peut-être ce qui la tuait au fil de cette année, entre les cours, le travail, les examens. Il fallait toujours continuer sans rupture, sans réclamer de grand final.

La métaphysique est un bien long motOù les histoires vivent. Découvrez maintenant