Elle avait réussi à trouver un endroit au détour d'un couloir qui lui permettrait de téléphoner sans déranger les personnes autour d'elle, et surtout sans avoir l'impression d'être écoutée. Elle avait vite abandonné le CDI, sachant qu'une discussion n'y était même pas envisageable. La plupart de ses camarades de classe qui n'avaient pas de cours à ce moment-là profitaient de leurs deux heures de libres pour travailler au calme au milieu des bibliothèques. Cette perspective lui paraissait absolument étrangère.
Le téléphone sonna de nombreuses fois, et elle eut peur que Charlène ne soit pas disponible. C'était le début de l'après-midi, Ambre ne savait pas si celle-ci était étudiante ou si elle travaillait. Elle se l'imaginait perpétuellement en train de marcher dans les rues près de l'hôpital.
Elle décrocha finalement.
— Oui ?
— C'est moi, Ambre. Je peux te parler un moment ?
L'autre marqua une hésitation, comme si elle jaugeait son niveau de disponibilité, ou d'envie de discuter.
— Je t'en prie, lâcha-t-elle finalement avec un désintérêt souligné.
— J'ai plein de nouvelles informations sur Léa.
— Décidément, tu fais une fixette sur elle !
Charlène avait l'air amusée. Pourtant, pour quoi d'autre que pour lui parler de Léa Rouanet Ambre aurait-elle pu l'appeler ?
— Elle n'a pas acheté le poison, elle a dit qu'elle devait écrire à quelqu'un avant de mourir, et qu'elle avait envie de faire quelque chose de cool, une dernière fois.
— Et comment tu sais tout ça ?
— J'ai rencontré David Bosc.
Ambre vérifia par réflexe que personne n'arrivait à l'angle du couloir, elle ne voulait pas être écoutée sur ces sujets.
— Il a accepté de répondre à tes questions, comme ça ? J'imagine bien la conversation : « Effectivement, elle n'a pas voulu acheter mon poison, c'était pourtant de la très bonne qualité... ».
Ambre devait passer outre les taquineries. Elle savait que Charlène était probablement plus intéressée que ce qu'elle montrait. Elle la soupçonnait d'un attachement plus important pour Léa, même si elle arborait constamment une attitude d'indifférence.
— J'ai pris rendez-vous avez lui comme si je voulais lui acheter un flacon, je lui ai posé des questions, et je suis partie sans rien acheter. Donc je voulais te demander si tu avais déjà entendu parler d'un petit copain que Léa aurait eu, ou d'un garçon qu'elle aimerait bien...
— Non... répondit-elle après un temps de réflexion. On ne parlait pas du tout de ça. De sexe, à la rigueur. Mais d'amour... Bof, vraiment. Ça m'étonnerait beaucoup qu'elle ait eu un crush sur un mec...
— Et sinon, tu n'aurais pas une idée d'une chose, une activité qu'elle aurait pu vouloir faire une dernière fois dans sa vie ? Il n'y avait pas quelque chose qui lui tenait particulièrement à cœur ?
Charlène ne sut pas lui répondre.
— Mais pourtant, reprit Ambre, tu as passé plusieurs semaines auprès d'elle, tu m'as dit que vous discutiez toute la journée toutes les deux. Tu devrais tout connaître sur elle !
— Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Je vais pas lui inventer une vie ! Franchement, il n'y avait pas grand-chose qui l'intéressait.
Ambre était particulièrement déçue. Elle avait pensé que Charlène en saurait plus que ce qu'elle lui avait raconté jusqu'à présent. Mais en fait, peut-être la trouvait-elle folle de s'acharner à vouloir retrouver Léa... Ambre supposait que c'était une partie de la vie de Charlène qui avait été difficile, et dont elle n'aimait pas se souvenir. Cela pouvait expliquer sa réaction irritée.
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La métaphysique est un bien long mot
General FictionJe pense, donc je sais que j'existe. En revanche, comment être certain que tous les humains qui m'entourent ont eux aussi des pensées, et ne sont pas des machines déguisées ? Comment savoir si les objets que je vois et sens autour de moi sont réels...