Chapitre 19

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Et Ambre était déjà dans le TGV, orienté cette fois dans l'autre sens. Cette fois, si elle regarda le quai par la fenêtre, c'était uniquement pour faire un signe de la main à ses parents qui lui envoyaient des baisers et des sourires. Sa valise était toujours la même, glissée entre les rangées de sièges, et son sac de cours dans le coffre à bagage au-dessus de sa tête. C'était le début d'après-midi, et le soleil lui arrivait droit dans les yeux. Le trajet passa donc vite, entre somnolence et rêverie.

Sur le quai, cette fois, ses parents n'étaient pas là pour l'accueillir et porter ses affaires. Elle traina sa valise dans une foule de personnes qu'elle devait éviter pour ne pas leur rouler sur les pieds ni les percuter avec son sac. Elle s'aida des panneaux indicatifs pour trouver son chemin vers le parking où elle devait prendre le bus.

Elle traversa le grand hall de la gare du Nord, épuisant de bruit et d'obstacles, en se dirigeant vers la sortie côté parkings.

Ambre s'arrêta tout à coup, et un homme près d'elle manqua apparemment de trébucher sur sa valise. Une jeune fille la regardait, à quelques pas à peine. Ambre reconnaissait son visage. C'était Léa Rouanet, telle qu'elle l'avait dessinée deux semaines plus tôt dans le TGV. Elle se tenait parfaitement immobile à contre-courant, et seuls ses cheveux s'agitaient dans le vent infiltré dans le bâtiment. Elle portait une épaisse frange brune qui coupait son visage en deux. Son cou était nu malgré le froid, ce qui dévoilait une maigreur effrayante. Elle souriait. Ambre sourit probablement aussi. Quel soulagement !

— Léa ! s'écria Ambre en finissant de s'approcher d'elle.

L'autre lui répondit par un sourire.

— Je suis Ambre. Tu es bien Léa Rouanet ? Je te cherche depuis tellement longtemps !

— Vraiment ?

Léa avait un air innocent, presque niais, avec ses yeux écarquillés et ses cheveux bien lisses. Elle portait un manteau gris clair ouvert sur un pull moulant. Son pantalon noir faisait des plis sur ses cuisses maigres, et ses chaussures étaient fines et plates. Elle faisait la même taille qu'Ambre à peu près, mais elle avait tout l'air d'une enfant chétive.

Un homme bouscula presque Ambre, ce qui lui rappela qu'elles se trouvaient dans l'endroit le plus passant.

— Viens, dit Léa.

Elles se laissèrent emporter par le flot vers la sortie. Ambre se dépêcha de peur de perdre Léa de vue. Une fois dehors, plutôt que de se diriger vers les parkings, elles restèrent contre la façade du bâtiment, sous les immenses baies vitrées qui réfléchissaient un soleil éblouissant.

— C'est depuis que j'ai croisé cette fille dans la rue, qui m'a dit de te trouver pour te parler. J'habite au 28 rue Albert Camus, dans ton ancienne chambre, j'ai retrouvé une photo à toi, tiens, attends...

Ambre fouilla dans son porte-monnaie et en sortit le cliché dont un coin était corné. Léa tendit des doigts délicats et s'observa un instant, mais elle ne dit rien, comme si elle n'était absolument pas surprise.

— Je suis tellement heureuse que tu sois vivante ! s'exclama Ambre, ce qui fit éclater Léa d'un rire aigu.

Ambre regarda ses traits se tendre en dévoilant ses dents, ses yeux se fermer tandis qu'elle riait aux éclats, et Ambre laissa échapper un rire aussi, de soulagement. C'était si bête.

— J'ai parlé à Florent Diot, qui m'a permis de comprendre tes problèmes d'anorexie. Alors j'ai rencontré Mme Rivoire, qui m'a laissé deviner que tu avais été hospitalisée. J'ai été à l'hôpital Simone Veil, où j'ai rencontré Charlène. Elle m'a permis de parler à David Bosc, et j'ai cru que tu t'étais suicidée ! Tu as donc changé d'avis.

La métaphysique est un bien long motOù les histoires vivent. Découvrez maintenant