Ambre décida de sortir faire une course qu'elle avait originellement prévue de faire en rentrant de la piscine, mais qu'elle avait complètement laissée tomber tant elle avait hâte de montrer les photos à Mathieu. Sous le coup de la déception et de l'incompréhension, elle préféra se donner quelque chose à faire plutôt que de se forcer à travailler.
Elle acheta des biscuits pour le petit déjeuner, du jus de fruit, des sachets de pâtes, de la viande pour le lendemain. En sortant du magasin, elle bouillonnait de questions qu'elle aurait aimé poser immédiatement à l'inconnue. Le plus énervant était de savoir qu'à chaque moment où elle croyait comprendre un élément, tenir quelque chose qui l'aiderait, elle retombait aussitôt et se rendait compte à quel point elle était perdue.
Elle remonta la rue et trouva un banc libre sur une place. Sans trop réfléchir, elle s'y assit en posant à côté d'elle son sac de courses. Elle sortit son téléphone de sa poche et activa l'utilisation d'Internet.
Un hôpital. Plus elle y repensait et plus elle était persuadée que c'était la seule possibilité qui tenait réellement la route. Si c'était le nom de son ancien lycée où elle aurait été à l'internat, pourquoi Léa Rouanet aurait-elle utilisé ce numéro comme question secrète un an après avoir quitté l'endroit ? C'était une information qui paraissait beaucoup trop banale, sans intérêt. Il fallait que ce soit en lien avec un événement marquant pour elle, une chose dont elle pourrait se souvenir des années.
Elle tapa « Hôpital Simone Veil » dans la barre de recherche Google. Elle en trouva quelques-uns en France, dont deux en région parisienne. L'un se trouvait dans le Val d'Oise, au Nord de Paris, et l'autre dans le Val de Marne, au Sud Est. Ambre ne connaissait pas très bien la banlieue parisienne, ayant toujours vécu à Lille, mais elle repéra les villes sur des cartes trouvées dans Google images.
Elle parcourut attentivement les sites Internet des deux hôpitaux, l'un après l'autre, sans savoir précisément ce qu'elle y cherchait. Cependant, elle s'arrêta longuement sur une page du site de l'hôpital du Val de Marne, car il était indiqué qu'il comprenait un important service de psychiatrie traitant des cas très divers. De lien en lien, elle se rapprocha de ce qui correspondait à ce qu'elle imaginait pour Léa Rouanet. Il y avait une structure spéciale pour les personnes souffrant de maladies mentales, notamment d'anorexie, avec internat et isolement. Ainsi, selon ce qu'Ambre comprenait, les patients n'étaient pas regroupés par maladie mais partageaient un endroit dans lequel ils pouvaient vivre entièrement, avec les chambres, les repas, des salles d'activités, et bien sûr, tous les soins nécessaires. Un paragraphe expliquait les bienfaits pour une personne malade de ne pas être entourée uniquement de patients souffrant de la même maladie, mais de voir des situations diverses et de ne pas être repliée sur soi-même. Par exemple, pour les maladies mentales causant des troubles de l'appétit, partager les repas avec des personnes saines à ce niveau-là pouvait être bénéfique.
Cela correspondait tout à fait à un endroit où Léa Rouanet aurait pu vivre quelques semaines, après que ses parents s'étaient aperçus de sa grave perte de poids et de ses problèmes psychologiques. Ambre sentit l'excitation remonter en elle tandis qu'elle sentait qu'elle venait de découvrir quelque chose de primordial. Ni Florent, ni Mme Rivoire, ni personne au lycée ne savait où elle avait vécu et ce qu'elle avait fait entre avril et juillet. Mais avant d'être trop fière d'elle, il fallait qu'elle en ait la certitude. Elle se hâta de chercher un numéro de téléphone pour contacter l'administration de l'hôpital. Elle trouva facilement, mais sur la même page étaient indiqués les horaires d'ouverture de l'accueil : « En semaine, de huit heures à dix-neuf heures. Le week-end, de huit heures à dix-sept heures. » Son téléphone indiquait qu'il était déjà presque dix-huit heures.
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La métaphysique est un bien long mot
General FictionJe pense, donc je sais que j'existe. En revanche, comment être certain que tous les humains qui m'entourent ont eux aussi des pensées, et ne sont pas des machines déguisées ? Comment savoir si les objets que je vois et sens autour de moi sont réels...