Chapitre 14

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Mercredi, dix-sept heures cinquante, Ambre debout près de la rambarde au-dessus des escaliers qui s'enfonçaient dans la bouche de métro, Place de la Paix. Il était inutile de se plaindre du froid, ce n'était pas un changement par rapport aux jours précédents. Il y avait pourtant autre chose qui faisait qu'Ambre ne se sentait pas bien, mais elle n'arrivait pas à formuler de quoi il s'agissait. Elle avait prévu ce qu'il fallait qu'elle fasse, et sa détermination depuis le week-end précédent lui procurait l'assurance nécessaire pour voir clairement la direction qu'elle avait choisi d'emprunter. En effet, elle était prête à ne plus faire aucune concession jusqu'à ce qu'elle retrouve Léa Rouanet pour pouvoir lui parler franchement. Il n'y avait pas de raison d'hésiter, d'avoir peur, de passer par des chemins sinueux. Elle avait déjà perdu beaucoup trop de temps en procrastinations, lorsqu'elle cherchait des moyens de poser des questions à l'inconnue, ou lorsqu'elle n'osait pas aller parler aux différentes personnes qui avaient pu être en contact avec Léa. A présent, elle ne ferait plus attention aux autres, et se concentrerait uniquement sur le chemin à suivre, utilisant les indications les unes après les autres jusqu'à l'étape ultime qui la conduirait à Léa Rouanet. Mais malgré tout cela, elle avait l'estomac noué et l'esprit préoccupé.

Elle observait tous les hommes qui passaient dans la rue, espérant à chaque instant reconnaître le visage de la photo sur Facebook. Mais les gens marchaient vite sans regarder autour d'eux, ou bien en groupe, discutant à plusieurs. En sortant des cours, Ambre avait déposé son sac à dos dans sa chambre et était ressortie en emportant seulement son téléphone portable et sa carte d'identité. C'était une protection supplémentaire. Mais ne pas porter de sac lui donnait l'impression nigaude d'avoir les bras ballants. Elle mit donc les mains dans ses poches, faisant mine de rien.

Il était dix-huit heures moins quatre minutes quand un homme à l'âge correspondant et au crâne presque rasé se dirigea directement vers elle, probablement parce qu'elle était la seule personne à attendre près de l'entrée du métro.

— Vous êtes bien Ambre Leruel ? demanda-t-il.

Elle acquiesça. Il était vêtu sobrement et avait à la main un cartable de bureau en cuir.

— On va peut-être aller discuter dans un endroit moins passant, proposa-t-il.

Il indiqua la direction d'une rue plus étroite, peuplée d'immeubles d'habitation et non de terrasses chauffées de restaurants. Ambre lui emboîta le pas. Ils marchèrent silencieusement jusqu'à ce que David Bosc s'arrête, contre un mur sans fenêtre.

— Très bien, dit-il. Vous êtes toujours intéressée par un flacon ?

— J'aimerais quand même quelques renseignements. C'est un peu... compliqué, vous savez.

— Bien sûr. Il s'agit d'une dose très concentrée de chlorure de potassium, la substance utilisée aux Etats-Unis en injection pour causer la peine de mort. Il faut boire la totalité du flacon en une seule fois, et l'arrêt cardiaque survient en quelques instants. C'est entièrement sans douleur.

Il semblait réciter des phrases sues par cœur, peut-être souvent répétées auparavant.

— Etes-vous sûre de vouloir mourir bientôt ? reprit-il. Parce que je ne peux vous vendre le produit qu'en ayant la certitude que vous ne vous déplacerez pas en l'ayant en votre possession, ni que vous le montrerez à qui que ce soit.

— En fait, je voulais vous poser une autre question. C'est une amie du nom de Léa Rouanet qui m'a donné votre nom, mais je n'ai aucune nouvelle d'elle depuis des mois. Je pense qu'elle vous a contacté en juin dernier, sous le pseudo sur Facebook de « Chloé EdJ ». J'aimerais savoir si vous vous souvenez de l'avoir rencontrée.

La métaphysique est un bien long motOù les histoires vivent. Découvrez maintenant