Ce jour où Anika se rendit à l'Institut, il faisait un meilleur temps, le ciel était seulement gris.
Elle avait quitté les cours en avance à cause d'un professeur absent. Donc elle marchait en direction de l'Institut. Elle aurait pu prévenir ses parents, bien sûr, elle aurait même dû. Mais elle n'avait pas eu besoin d'en parler avec eux pour savoir qu'elle n'aurait jamais l'autorisation de s'y rendre. Quantité de fois elle leur avait parlé du docteur, et égale quantité de fois ceux-là lui avaient exprimé leur dégout pour cet homme. Il était trop dur au premier aspect pour être honnête, pas assez clair pour leur paraître de bonne foi, et caetera.
Baste.
Cela faisait trois ans déjà qu'il était apparu, comme une nouvelle étoile dans la nuit des pensées d'Anika. Le peu qu'il avait dévoilée de son "projet" avait embrasé la curiosité de la jeune fille. Elle avait beaucoup d'imagination, certes, mais pas suffisamment pour découvrir ce que le docteur cachait dans son laboratoire. Il fallait qu'elle le sache. C'était un impératif qui chaque jour s'affirmait un peu plus que la veille. Elle rêvait même parfois de ce jardin scientifique secret où l'on pourrait potentiellement faire pousser les limites du possible jusqu'au point de changer le monde.
Il y avait une demi-heure de marche pour faire le trajet lycée-Institut et environ trois quarts d'heure de bus pour rentrer chez elle. Si elle ne restait pas plus d'une heure, elle serait revenue à la maison avant ses parents. Au pire des cas, elle trouverait une excuse bidon se disait-elle.
Les portes vitrées se séparèrent pour la laisser entrer. Anika leva la tête. Une jeune femme souriante au bureau à sa gauche lui fit signe. En parcourant les quatre mètres de dalles marbrée qui l'a séparait de l'accueil, elle se fit la remarque qu'un tel bâtiment la mettait immédiatement dans des dispositions pour réfléchir. Il avait des airs de grands hôtels avec sa fontaine séparant les escaliers du hall principal. Les nuances de gris étaient bien plus sobre mais cela donnait sa stature à l'édifice. Ici, on ne dépensait pas d'argent dans le luxe mais dans le progrès. Elle y travaillerait bien plus tard."Vous venez voir le docteur Strom ?
- Euh oui, comment le savez-vous ?
- Vous n'êtes pas n'importe qui... tout le monde ici a déjà entendu parler de vous... Enfin bref, le docteur est dans son bureau au deuxième, je ne vous dirai pas qu'il vous attendait, mais c'est l'idée."Anika en fut surprise. Agréablement d'abord puis moins. Être le centre de l'attention n'est jamais une bonne chose. On attend certaines choses de nous que l'on n'est peut-être pas en mesure d'assumer. Le docteur Strom ne connaissait rien d'Anika. Rien à l'exception de son QI, qui est loin d'être révélateur de ce qu'Anika pouvait accomplir. Voire échouer.
D'ailleurs, personne ne lui avait donné son quotient intellectuel, pas même ses parents après le passage du scientifique chez eux. Elle prévoyait de lui demander après avoir gravi les quelques cinquante marches menant au bureau. La porte du bureau était d'un sobre déconcertant, une planche de bois laqué, munie simplement d'une poignée en acier inoxydable et d'une serrure. Ni plus ni moins. À côté de la porte, une plaque de laiton gravée indiquait : "Département de Bio-morphisme et Neuro-informatique, directeur de recherche : Salvador Strom"
Sur internet, il ne trainait absolument rien au sujet de cet homme. Aussi, Anika fut saisie d'un doute au moment de frapper à la porte. Elle pouvait encore partir, rien ne la poussait à venir ici si ce n'est sa curiosité. Tout le reste tendait à la dissuader. Strom pouvait être mal intentionné, Strom pouvait être un charlatan, Strom pouvait être fou, fou et contagieux. Ou tout ça à la fois.
Sa curiosité donna trois coups secs."Oui ?! Entrez !"
Anika passa la frontière. Elle fit un premier pas. Le bureau du docteur était tout à fait aéré. Peut-être vingt mètres carrés. Tout vêtu d'un accueillant parquet au milieu duquel siégeait Salvador Strom. Une immense baie vitrée le plaçait à contre-jour. La jeune fille eut du mal à distinguer s'il lui faisait dos ou face. Le docteur leva la tête de sa paperasse et voyant sa patiente, il s'exclama :
"Wienn ! Anika Wienn ! Cela tiendrait du miracle si j'étais croyant ! Allons, ne reste pas plantée là, j'ai un certain nombre de choses pour toi, à commencer par des explications."
La demoiselle gardait ses yeux ronds. Il l'invita à prendre place dans un fauteuil derrière lui et tourna sa chaise.
"Par quoi veux-tu que je commence ?"
Elle n'hésita qu'une seconde.
"Pourquoi moi ?
- Tu te rappelles de ta réponse à la question : Quel serait l'humain parfait ?
- Plus ou moins oui.
- Pour te citer : Il s'agirait d'un être dont la capacité à raisonner lui permettrait de faire abstraction de ses besoins. Il serait alors maître de lui-même et débridé de tout ce qui pourrait influencer son jugement moral.
- Oui c'est cela.
- Anika, te considères-tu comme parfaite ?
- J'ai l'air de me trouver parfaite ?"Strom détailla Anika du regard. Ses ongles rongés, son expression lassée et triste.
"Simple réthorique. Ne sommes nous pas tous des êtres en devenir permanent, toujours à la recherche du meilleur de ce que l'on peut être ?
- Et ?
- Qu'est-ce qui nous limite ?"Elle ne s'attendait pas à devoir passer un contrôle de philo.
"Humm... Notre corps... Enfin... Non, plutôt notre nature humaine, ou en tout c...
- Très exactement, notre nature humaine. Une nature qui nous limite tous à un stade de notre existence plus ou moins égal, un stade biologique défini par les aléas de la génétique et des évènements de la vie.
Anika. Si je te disais que cette nature, j'ai trouvé le moyen de la dépasser ? De faire disparaître cette frontière entre l'homme et une forme de perfection ?"La mégalomanie du scientifique flottait dans l'air. Anika En respirait les effluves et commençait à se sentir grisée par toute cette exaltation. Strom se leva brutalement de son siège et par de grands tours de bras, il s'écria presque à la jeune fille :
"Anika ! Rien ne t'y forcera, pas même moi, mais saches que j'ai la possibilité de faire passer un cap à l'humanité. Pendant des décennies, j'ai tenté de créer des machines. Des machines de plus en plus performantes, des machines quasi humaines, j'en suis même venu à transplanter des programmes dans des cellules organique. J'ai réussi à créer des machines biologiques dont la capacité de stockage d'information est quasiment égale à celle d'un cerveau humain ! Mais malgré tout, ceci n'en demeurait pas moins une machine, un réseau de cellules transférant des informations quand les conditions sont réunies. Elle ne faisait qu'exécuter des algorithmes. Certes rapidement, mais il n'y avait aucune vie derrière cela. Ce n'était qu'un programme. L'intelligence artificielle n'est pas à notre portée. J'ai abandonné la Neuro-informatique. Alors j'ai réalisé que l'avenir n'était pas dans les ordinateurs se rapprochant des hommes, mais dans les hommes se séparant de leur nature biologique pour atteindre la perfection psychologique."
Pour Anika, la question demeurait la même :
"Pourquoi moi ?"
Strom revint sur Terre. Il déclara :
"Stabilité émotionnelle, intelligence hors norme, Ouverture d'esprit. C'étaient les trois critères pour passer de la théorie à la pratique."
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Le Système Strom
Science FictionDans un monde qui part en lambeaux, le Docteur Strom a un projet, créer une société parfaite. Et si la perfection n'est pas de ce monde, il lui faut l'inventer. Pour cela, il est prêt à tout. Prêt à repousser les limites de l'humanité. Prêt à repo...