Le Système Strom

Rapport de pensées n°1

j'ai toujours aimé l'idée du stylo. Ce peut être un bel objet. Petite, je me disais que le stylo, c'était juste un outil de travail. Maintenant, je me dis juste que le stylo, c'est un outil fantastique. C'est beau quand c'est posé sur un meuble, c'est beau quand ça tourne entre d'habiles doigts, c'est beau surtout quand ça grave l'encre sur le papier. Tout le monde tient son stylo à sa manière. Tout le monde range son stylo à sa manière. Mon père range ses stylos dans un pot, ma mère les fourre dans son sac à main pour ne jamais les retrouver, moi, je les pose, puis les reprends, les accroche dans mes cheveux, les oublie puis les détache machinalement pour m'en servir. J'aime aussi l'idée de m'en servir en dehors de ce pourquoi on m'achète des stylos, c'est à dire pour travailler. Je ne connais que des gens qui n'usent de leurs stylos que pour travailler. Je me dis qu'on peut faire tellement plus que travailler avec un stylo. Et puis comme un secret. Oui, c'est comme un secret d'utiliser pour autre chose que travailler, quand on dessine, quand on écrit des poèmes, des lettres, des histoires. Et dans ce rapport, je ne travaille pas, et c'est un  secret. Personne ne lira ces mots, ou presque. Et c'est un secret parce que personne ne doit savoir que j'ai envie de travailler avec le Docteur Strom. Oui. J'ai une terrible envie de participer à son projet. Peut-être ne suis-je qu'une lâche à avoir peur d'être trop humaine pour avoir une vie convenable, au fond de moi, je sais que je suis incapable de fonder une famille ou juste une relation avec quelqu'un...Je n'ai pas d'amie, ni d'ami, je ne parle que très peu à mes parents et n'en éprouve même pas le besoin. Donc non, je n'arriverais pas à avoir une vie me convenant grâce à cette personne humaine que je suis. Ou alors je ne suis déjà pas assez humaine pour y arriver et c'est justement en me disant que pas humain pour pas humain, je ne risque finalement pas grand chose à suivre son programme de perfection. Plus je repense à ce que Strom me disait, plus j'ai du mal à comprendre pourquoi je n'ai pas accepté tout de suite sa proposition. Ah ! Si, je sais, c'est peut-être parce que Strom peut-être mal intentionné. Et que j'ai eu peur. D'ailleurs, j'ai toujours peur je crois. Pourquoi est-ce que je fais ce qu'il me dit ? Pourquoi écris-je mes pensées dans ce carnet si Salvador Strom me fait si peur. 

Au fond de toi, tu as déjà fait le choix de le suivre et que même si tu ne sais pas pourquoi cet homme veut que tu écrives un maximum de tes pensées, les écrire reste un moyen de laisser une trace de toi si tu meurs. Un peu comme un testament. Conclusion : Si tu veux dire un dernier mot à ceux que tu aimes, fais-le ici. 

Je n'aime personne. Je tiens seulement à laisser quelque-chose de moi. 

Finalement, ce stylo ne me sert pas à écrire un secret. Ce stylo, c'est juste un moyen d'exister pour moi ce soir. Je n'existe pour personne. Le secret, c'est moi.

23/03/2043