La famille Kurz était une famille en marge. Et encore, c'était un peu faible. Kurz père était un escroc, du genre qui extorque l'argent et disparaît. C'est tout ce qu'il faisait, et c'est d'ailleurs à peu près tout ce qu'il savait faire. Kurz mère, était une profiteuse de la pire espèce, originaire d'une riche famille d'où on l'avait renié parce qu'elle avait décidé d'arrêter les études. Faute d'avoir un travail, elle allait là où l'argent se trouvait et rarement plus loin.
Les deux bougres s'était "rencontrés" (si c'est bien un mot employable à leur sujet) parce que Monsieur Kurz avait envie de sexe. Et d'argent. Sur Internet, il lui avait été aisé de tendre un guet-apens à la demoiselle : "Homme célibataire en quête de réconfort". Les mots avaient été choisis avec toute la science dont Kurz était capable. Il devait paraître lettré (il l'était d'ailleurs plus qu'il ne se le laissait croire) pour que son plan fonctionne. De la pute de luxe qu'il se répétait. Et ainsi débarqua notre future Mme Kurz. Ce fut un viol.
L'escroc s'affala sur le lit, sale, à côté de la femme et dit :- Pourquoi tu t'es pas barrée ?
- J'en ai assez de déambuler, j'ai à peine 35 ans, et je suis pourtant si fatiguée.
Il ne répondit rien. Alors elle reprit la parole :
- Et toi, à part un connard, tu es quoi ?
- Moi ? Je ne suis rien.
- Et tu fais quoi ?
- Rien. Je vole. Assez pour vivre. Et toi ? Tu fais quoi ?
- Rien non plus.
- La belle paire ! Remarqua-t-il ironiquement.
Ils se retrouvèrent. De plus en plus souvent, et finalement, ils vécurent ensemble. Monsieur Kurz rapportait de l'argent à la maison, et peu importe la manière, cela convenait à madame Kurz. Ils se disputaient souvent. Ils n'étaient pas faits pour s'entendre. Mais le voisinage avait finit par fuir la côte qui n'était plus ce qu'elle avait été et personne n'eut l'occasion de les voir se battre en pleine rue pour un oui, pour un non ou parce qu'ils ne voulaient pas d'enfants mais qu'elle refusait d'avorter et que de toute façon, c'est pas avec l'argent qu'ils avaient qu'ils en auraient l'occasion.
Ainsi naquit Kurz fils. Blerim de son prénom.
L'enfant n'alla pas à l'école, de toute façon c'était trop loin. Il n'eut pas d'amis, de toute façon, ça ne servait à rien et il ne reçu pas d'autre éducation que celle prodiguée par la télé et celle de deux parents violents et centrés sur eux-mêmes.
Curieusement, c'est cette même éducation qui lui réussit le mieux. Il fuyait sa famille comme la peste, cela convenait bien à tout le monde, et il passait son temps sur internet. C'est comme ça qu'il apprit qu'une décharge se trouvait à seulement douze kilomètres de chez lui. Il partait toute la journée pour y récupérer des appareils ménagers en plus ou moins bon état. Chez lui, il les rafistolait pour s'occuper. Il en profita aussi pour faire ses propres expériences. À 10 ans, il avait réinventé le registre universel. À 12, il terminait son premier ordinateur et à 14, il s'occupait (sur ordre de son père) du dépannage du réseau de leur maison.
Il ne faisait pas que du bidouillage électronique d'ailleurs. Enfermé dans sa chambre ou allongé sur le sable, il avait appris à quoi ressemblait le monde avant sa naissance, à quel point il était pourri aujourd'hui et de quoi seraient probablement fait ses lendemains.Un jour, il tomba sur un formulaire en ligne publié par l'Institut. Il y répondit sans rien espérer, juste parce que ces questions politico-philosophiques l'amusaient. Jamais il ne s'était attendu à ce qu'on lui fasse un retour là-dessus, c'est l'une des raisons pour laquelle il n'en avait pas parlé à ses parents. Mais il n'eut alors plus le choix. L'e-mail qu'il avait reçu stipulait : "Nous nous rendrons à votre domicile demain pour convenir d'une potentielle collaboration".
La panique l'envahit. Ses parents étaient à l'étage. Ils s'engueulaient pour la quatrième fois de la journée. Il n'avaient jamais reçu qui que ce soit chez eux. En 16 ans d'existence, jamais une seule fois il n'avait adressé la parole à quelqu'un d'autre que ses parents. Et cela faisait une semaine qu'il ne l'avait pas fait. Quoi alors ? S'il leur disait que quelqu'un allait débarquer ici, il subirait la râclée du siècle. Non, c'était simple, ses parents le tueraient. Il passa la nuit sans fermer l'oeil. Il n'existait aucune combine qui lui permettrait de s'en sortir. Enfin... Si, il aurait bien pû donner rendez-vous ailleurs qu'au domicile. Mais il n'avait pas l'âge légal de prendre des décisions pour lui-même, jamais on accepterait de ne pas rencontrer ses parents.

VOUS LISEZ
Le Système Strom
Science-FictionDans un monde qui part en lambeaux, le Docteur Strom a un projet, créer une société parfaite. Et si la perfection n'est pas de ce monde, il lui faut l'inventer. Pour cela, il est prêt à tout. Prêt à repousser les limites de l'humanité. Prêt à repo...