Un frisson d'électricité

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J'ai l'impression que mon corps est parcouru d'une décharge électrique. Mes poils se hérissent sur mes bras, j'ai la chair de poule et du mal à respirer. C'est mon frère qui me fait ça avec une nonchalance non feinte. Moi, je me contente d'être terrifié et de ne pas oser faire le moindre mouvement. Je sens bien qu'il maîtrise la chose, quoiqu'il soit en train de me faire, mais ça outrepasse toutes les lois de la physique. Ça dépasse d'ailleurs tous les principes même du réel, du réaliste, du possible. Je me fige, je suis tétanisé.

« Suis-moi »

L'ordre de mon frère n'appelle aucune réplique, je me contente d'hocher la tête en prenant ma respiration. Et j'écarquille davantage les yeux lorsque je le vois se mettre tout naturellement en mouvement et traverser le mur qui nous sépare du couloir. Le suivre ? Mais à ce que je sache, je ne suis pas un fantôme ou un super-héros... à ce que je sache, ma respiration s'accélère.

« Bastien ? »

Ma voix incrédule résonne dans la pièce. Seule. Un simple souffle, un simple soupir, un filet d'air aussi tenu que ma raison. J'étouffe un cri : sa tête réapparaît sans le reste de son corps, comme prise dans le mur.

« Suis-moi Nolan, ne fais pas l'imbécile ! »

Le suivre, il est bien mignon. Je m'approche du mur dans lequel il disparait une seconde fois, pose la main sur le crépi, ne rencontre aucune surface, aucune résistance. Mes doigts plongent dans le mur, s'y enfoncent sans la moindre difficulté, comme s'il n'existait pas de mur sous mes yeux, juste une illusion. Mes cellules ne semblent plus vouloir opposer de résistance. Ça a quelque chose d'hypnotisant et de surréaliste. De dément. J'enfonce davantage le bras, agite les doigts dans le béton sans oser m'y engager davantage. Un bras, c'est bien suffisant. Mon corps dans son ensemble, la tête ? Non merci.

Une main m'attrape violemment et me tire en avant, ne me laisse pas le choix de douter plus longtemps. Je traverse la surface et m'écroule dans une nouvelle pièce, sous le regard exaspéré de Bastien.

« C'est bon, tu as fini de t'amuser ? Dépêche-toi avant que je commence à regretter de t'emmener. Elaine va me tuer, bon sang... »

Je me relève d'un bond, époussette mes vêtements d'une main nerveuse. J'ai l'impression qu'il a oublié qu'en tant qu'être humain, nous ne sommes pas supposés passer à travers des murs de béton et donc que ma surprise est plus que légitime. Ou alors il n'a tout simplement pas d'humour et ce n'est pas mon frère.

Il traverse une nouvelle fois un mur, je le suis sans attendre, fermant tout de même les yeux au moment théorique de l'impact. En quelques minutes, on a traversé le bâtiment de part en part et l'air frais de l'extérieur s'abat sur nous. Je respire plus librement pour la première fois depuis qu'il m'a surpris. Il y a quelque chose d'extraordinaire à ne pas avoir à se soucier des murs et de la notion de limites, mais il y a également quelque chose d'extraordinaire à retrouver un semblant de normalité. Même une fraction de seconde. Et c'est tout ce que m'octroie mon frère : sans plus attendre, il commence à courir, je suis contraint de faire de même pour ne pas le perdre de vue. J'ai pris ma décision, après tout.

Je me demande où sont Justine et Sophie, où est Damien qui était supposé nous rejoindre lui aussi. Je me demande aussi, voire surtout, vers où Bastien nous guide et comment je vais être reçu auprès de cette Elaine dont je ne sais rien. Je me demande, enfin, ce que j'ai potentiellement de spécial. Plongé dans mes pensées, je manque de percuter Bastien qui vient de s'arrêter dans un bâtiment si semblable aux autres que de l'intérieur, je suis incapable de savoir lequel est-ce. Qu'a-t-il de différent ? Bastien regarde autour de nous, semble chercher quelque chose. Je tends la tête, fouille l'obscurité du regard moi aussi, même si je me rends bien compte que j'ignore ce que je suis supposé remarquer. Et que je ne suis, donc, d'aucune utilité. Nouveau soupir.

Tu auras 24h - tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant