Nolan Devaux

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Elaine nous fait entrer dans une énième salle, cette fois meublée d'une longue table et de chaises de classe en tout point semblable à celles du Centre. Je meurs d'envie de la questionner à propos de l'incendie mais je n'ai pas besoin des avertissements de ma sœur pour savoir que ce serait une très mauvaise idée. Je m'assois à bonne distance de la créatrice et de la psychologiste, préférant les fixer plutôt que de me mettre à côté de l'une ou de l'autre.

« De quoi est-ce que tu voulais nous parler Elaine ? »

Hors de question de m'éterniser : j'attaque la discussion avec un soupçon d'agressivité.

« De ce qu'il s'est passé à l'infirmerie. Tu n'es pas au courant, Nolan, mais nous sommes arrivés un peu tard. Et ils ne l'avaient pas encore vaccinée voire ne comptaient pas le faire du tout. »

J'hoche la tête, incertain quant à l'attitude qu'elle veut me voir tenir. Ni même de ce que ça implique : les regards graves de Bastien et de Justine sont plus avertis que le mieux, véritablement perdu. Dans un soupir, je finis par hausser les épaules pour lui signifier de poursuivre.

« Sans compter que loin d'être une physiologiste, ta sœur est une psychologiste. »

Je m'aperçois à ce moment-là que je ne suis pas supposé être au courant et que je suis tout à fait incapable de feindre la surprise sans paraitre ridicule. Je me contente d'observer le tatouage de ma sœur avec curiosité. Il est bleu nuit, sans surprise. De la même couleur que celui de Huygues. De ce que m'a dit Amaury, plus un tatouage est sombre, plus la mutation est puissante et étant donné la puissance mentale que j'ai pu effleurer pendant nos contacts télépathiques, ne serait-ce que le simple fait qu'elle ait pu m'appeler et m'attirer dans son corps sans même me demander mon autorisation, elle doit être presque plus puissante que lui. Or, il m'a broyé les tempes. C'est dire.

« Nolan ? Tu ne sembles pas être surpris, tu as compris ce que je viens de dire ? »

Elaine m'arrache à mes pensées, abrupte.

« Non, c'est juste que... je ne sais pas quoi en penser. Je partais du principe que Justine allait être physio comme moi mais j'imagine que c'est aléatoire. »

Je sais que ça ne l'est pas : Amaury me l'a bien fait comprendre. J'espère juste sembler sincère et normal. Après tout, je ne suis au courant de rien, pourquoi est-ce que je ne m'en servirais pas, pour une fois ? Tu es un acteur pitoyable, Nolan. Merci Justine de me confirmer ce dont j'ai déjà conscience.

« Les jumeaux ne sont pas une chose très courante. Les jumeaux issus de parents physiologiques le sont encore moins pour les raisons que je t'ai déjà expliquées. » Elle s'interrompt pour regarder Justine et jeter négligemment :

« Les physiologistes sont tués par le vaccin qui bride les mutations, c'est pour ça qu'il y en a si peu et que la catégorie n'est pas connue. »

J'aime la délicatesse dont elle sait faire preuve : merci de me rappeler, de nous rappeler à Bastien et moi que nous sommes une espèce en voie de disparition. Son regard revient vers moi pour poursuivre.

« Les jumeaux qui ne sont pas tatoués de la même catégorie sont extrêmement rares. En fait, vous êtes les premiers que je rencontre et même, les premiers dont j'entends parler. Vous n'êtes certainement pas uniques mais c'est tout comme. Et si on ajoute à cela que vous êtes l'héritier des Devaux... »

Devaux. Mes parents biologiques. Je me demande ce qu'ils ont de si spécial, mais je n'ai pas besoin d'être un génie pour comprendre que de ça encore, on ne va pas m'en parler avant un bail. Ce n'est pas la première fois qu'on y fait référence de cette manière, avec un respect palpable mais indéfinissable. Je commence à me dire qu'ils ne sont peut-être pas des physiologistes lambda, si tant est que ça puisse exister. L'idée de poser la question malgré les chances infimes qu'on me donne une réponse me titille, mais j'ai encore l'impression que Bastien et Justine en savent bien plus que moi sur le sujet et je commence à en avoir assez d'exposer systématiquement à quel point je ne suis au final que le petit canard boiteux de la fratrie. Fratrie, c'est vrai, tiens, Bastien est donc mon frère. La remarque de Justine me trouble, je n'avais pas encore assimilé qu'en effet, il fallait que je partage mon frère avec une deuxième sœur. Blandine n'est pas ta sœur, ta sœur, c'est moi. Je secoue la tête. Sors de ma tête.

Tu auras 24h - tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant