Nouvelle sortie nocturne

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La journée a été si longue que je me demande si elle n'a pas duré plus de vingt-quatre heures. Elle s'étire, elle prend son temps et à chaque fin de cours, mon impatience grandit. Alice, Sophie, j'ai envie de savoir, j'ai envie de comprendre. Et autour de moi, le reste du groupe quinze se montre aveugle à mon agitation. Les anniversaires vont bientôt s'enchaîner, le reste de la classe va finir par être catégorisé. Plus les mois passent, plus notre caractère frondeur et provocateur s'affirme, autant chez les catégorisés que chez les non-catégorisés et presque plus encore chez les futurs gouvernants comme Eloi qui, non content d'être insolent comme tous les morphistes, se teinte de plus en plus d'une arrogance envahissante. Justine, sa rivale depuis le début, fêtera son anniversaire au mois de mai, j'ai peur de voir l'explosion que ça risque de provoquer si elle rejoint à son tour le groupe très restreint des morphistes catégorisés, voire haut-catégorisés. Ce qui est plus que probable à première vue.

Assis sur mon lit, je regarde le soleil se coucher avec une certaine impatience. Autour de moi, je note que la plupart ont la même occupation que moi. Rares sont ceux avec un livre de cours, plus rares encore ceux assis à leur bureau en train de faire les exercices de chimie demandés un peu plus tôt dans la journée pour le demain. Sept mois que nous sommes là, sept mois que nous nous connaissons. Un groupe soudé qui se disloque au gré des anniversaires, un groupe soudé fragilisé par cette dissociation que l'on subit malgré nous entre haut-catégorisés, catégorisés et non-catégorisés. Sept mois et sur les quarante élèves, il en reste encore une vingtaine à ne pas avoir dix-sept ans révolus.

« Tu lis quoi ? »

Damien me fait sursauter, je lui montre mon prétexte pour ne rien faire : un livre sur les catégories emprunté pendant la pause déjeuner. Je l'ai déjà lu deux fois. Nous l'avons tous déjà lu plusieurs fois. Je cherche des traces d'une sixième catégorie, sans aucun succès pour le moment. J'hésite à en parler à Damien qui ne m'a jamais donné de raisons de douter de lui depuis le début. Il se laisse tomber sur mon lit, je rapproche mes jambes pour m'asseoir en tailleur.

« Les catégories ? Mais c'est pas toi qui es censé être le pro du groupe à ce sujet ? Pourquoi, t'es jaloux de ne pas en avoir ?

- Tais-toi... »


Au fil des mois, je me suis forgé une vraie réputation de tête de classe à cause de mon intérêt au sujet des catégories. Et le fait que je n'aie eu aucun tatouage dans la nuque à mes dix-sept ans n'a pas surpris que moi. Une certaine déception, voilà ce que j'ai ressenti ; une ironie amusante, voilà comme ils l'ont tous perçu et depuis les moqueries à ce propos ne cessent pas, sans vouloir pour autant tomber dans le vexant. Ils me charrient, juste, avec un regard entendu. Je soupire, fronce les sourcils et baisse la voix d'un ton.

« Damien, est-ce qu'on est sûr qu'il n'y a que cinq catégories ?

- C'est quoi cette question, Nolan ? Bien sûr qu'il n'y en a que cinq, c'est déjà amplement suffisant d'ailleurs, pour l'intérêt que ça a. A la rigueur, on peut en compter six avec les non-catégorisés si on les voit comme étant une sorte de catégorie négative, ou quelque chose dans le genre, mais... tu sais tout ça. C'est toi qui aimes le plus en discuter, je te fais remarquer, c'est toi qui fais une fixation à leur sujet. »

Je me mords l'intérieur de la joue. Je suis sûr de ce que j'ai vu pourtant. Une catégorie verte. Le phi voltige sur ma rétine, comme pour me narguer. Je secoue la tête pour chasser Alice de mes pensées.

« Nolan ? C'est quoi cette marque dans ton cou... ?

- Ah ah, très drôle Damien. Je n'ai pas de tatouage, n'essaye même pas de me faire croire le contraire. »

Tu auras 24h - tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant