Et soudain tout bascule

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Une fois dans le hall, je ne sais déjà plus vers où me diriger. Un coup d'œil dans mon dos m'apprend que Damien est toujours à distance, indécis quant à l'attitude à tenir. Le Hall me fait penser à un rez-de-chaussée d'immeuble à la différence près qu'il y a des digicodes à toutes les portes et une cage d'ascenseur à la place de l'habituel escalier. Des bruits de pas, je me terre derrière une plante verte plutôt fournie, cachette illusoire. Suffisante je l'espère.

« Va prévenir Forester qu'on l'a attrapée et qu'elle sait certainement des choses. Apparemment, elle a été en contact avec eux, ce qui veut dire qu'ils sont encore sur le complexe et aussi bien voire plus renseignés que nous. Je suis presque sûr que ce sont eux qui lui ont donné sa date. »

Je contourne le pot de terre pour tenter d'apercevoir davantage que des chaussures. L'un des Agents, un psychologiste, sort du bâtiment sans un regard en arrière, je garde les yeux rivés sur l'autre qui entre un code, ouvre une porte menant vers les sous-sols. Je me jette à sa suite pour bloquer la fermeture de la porte, croisant les doigts pour que l'habitude aidant il ne prenne pas le temps de vérifier qu'elle se referme correctement. Mes doigts se glissent de justesse dans l'interstice, je me faufile dans le sous-sol avec cette sensation grandissante que je ne suis plus dans l'illégalité mais bien plus loin encore. Pas d'excuses, pas de porte de sortie : si je me fais prendre maintenant, j'ai peur de découvrir brutalement ce qui est arrivé à mon frère. A-t-il été dans le rôle d'Alice ou dans le mien, il y a deux ans ? Je secoue la tête pour chasser cette pensée : inutile de tergiverser, je suis allé trop loin pour faire demi-tour. A pas de loup, je m'enfonce dans le sous-sol, descends les escaliers.

Je pose à peine un pied sur la dernière marche qu'Alice crie une nouvelle fois. Des insanités, des insultes, elle appelle au secours et se rit des Agents qui sont avec elle. Il ne me faut qu'une poignée de secondes pour comprendre qu'elle est dans une pièce un peu plus loin. Le couloir où j'ai débouché fait penser à un cachot, ouvrant de chaque côté sur de petites cellules et s'achevant sur une porte.

« Je ne vois pas de qui vous parlez !

- Bastien, Killian, Elaine, est ce que ces noms, est-ce que ces visages te disent quelque chose ? »

Bastien ? Mon sang ne fait qu'un tour, j'oublie le peu de prudence qu'il me restait pour avancer, totalement découvert, dans le couloir. Hypnotisé par la porte.

« Vous ne les trouverez jamais. »

Une gifle, un crachat, les bruits ne cachent rien de ce qu'il se passe dans la pièce hormis les visages. En revanche, le couloir résonne de mes pas et plus encore de la porte qui claque dans mon dos : je me précipite dans une des cellules, me plaquant contre le mur. Ce sont ses talons qui rythment ses pas qui la trahissent : Nancy Forester passe à quelques centimètres de moi pour ouvrir la porte. J'aperçois le visage d'Alice, contusionné, je croise même son regard. Elle ouvre grand les yeux, je pose inutilement un index sur mes lèvres pour lui intimer le silence.

« Alice... Guaire, c'est bien ça ? Je dois admettre que je suis un peu déçue. En général, lorsque l'un d'entre vous arrive à m'échapper, il disparaît totalement dans la nature et ne réapparait que quelques mois plus tard, ce qui rend la traque bien plus intéressante. Toi, tu nous simplifies la vie en sortant alors que tu ne maîtrises rien. »

Je ne comprends pas grand-chose à la discussion mais depuis que le prénom de mon frère est arrivé dans la conversation, je ne cherche même plus à trouver de logique, je ne veux qu'en savoir plus. Alice semble terrifiée face à Nancy. Elle évite obstinément et de me regarder, et de poser ses yeux dans ceux de son interlocutrice. Chose que je ne suis pas le seul à le remarquer.

« Ils t'ont tout dit, c'est ça ? Mes capacités, les tiennes, que tu as été adoptée... Le discours habituel, en somme. »

On peut clairement sentir le mépris porté par sa voix. Je ne sais pas de qui Forester parle mais ils m'attirent une sympathie démesurée pour ce simple fait.

Tu auras 24h - tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant