16 mai

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Je tourne en rond dans ce que j'appelle ma cellule. Après avoir terminée mon histoire, résumée par moment, détaillée au maximum par d'autres selon les questions d'Elaine, de Bastien et d'Alec, c'est Bastien qui m'a fait traverser un mur et qui m'a laissé dans cette pièce. Sans issue. Aucun moyen d'en sortir. Pour seule lumière, une torche qui ne semble pas vouloir se consumer ni s'éteindre. En guise de mobilier, un matelas au sol, une pile de livres divers et c'est tout. Je tourne en rond. J'aurais perdu le fil des jours et des nuits sans cette montre que ne m'a pas repris Bastien. Je le vois tous les jours, d'ailleurs, à heures plus ou moins fixes ; c'est la seule personne que je vois en dehors d'Elaine et c'est toujours lui qui m'apporte à manger, traversant le mur avec ce naturel qui me déroute toujours.

Mutant. C'est l'une des rares réponses que l'on m'a données. Un mot, et une nouvelle promesse : tu sauras tout à ton anniversaire.

Mon frère est un mutant, ou quelque chose s'en approchant. Soit. Bien. Je ne peux rien dire de toute manière, je ne peux qu'attendre. Ce soir, pour la deuxième fois de l'année, je m'apprête à fêter mon anniversaire, à la différence près que cette fois, c'est la bonne. J'appréhende les signes caractéristiques de l'apparition de ma catégorie. J'évite avec grand soin d'envisager qu'il n'y en ait, une nouvelle fois, aucun. Et que demain, rien n'ait changé. Je tourne en rond dans ma cellule, sans parvenir à me poser plus d'une poignée de seconde, le cœur battant à tout rompre dans ma poitrine.

Bien sûr, c'est quand je m'y attends le moins que je m'écroule. On me parlait de légères démangeaisons, de picotements sur le bras, de malaise discret. La douleur se diffuse dans tous mes muscles, je lâche un hurlement qui se brise sur les murs de terre. Elle s'évapore aussi brutalement qu'elle est arrivée, me laissant haletant sur le sol. Tous mes muscles tremblent, mon cœur bat à toute vitesse. Je ne fais plus qu'appréhender maintenant, j'ai peur. Mais je suis aussi étrangement soulagé : je viens d'avoir la preuve irréfutable que je vais être sous peu catégorisé. Quoique cela puisse signifier réellement. Je me traîne vers le matelas, m'y effondrant dans un râle. Et je hurle à nouveau lorsque cette fois la douleur me donne l'impression qu'on transperce mes paumes pour creuser un chemin dans mes veines. Douleurs musculaires ? Absolument pas. Douleurs insupportables plutôt. C'est comme si on versait de l'acide dans mon corps. Mes hurlements s'intensifient, je retombe haletant sur le matelas.

Des heures semblent s'écouler. Mes muscles se contractent à rythme régulier. Je commence à me dire que les hurlements d'Alice, lorsque les Agents l'emmenaient dans l'ascenseur, n'étaient peut-être pas dû uniquement à sa terreur. J'ai du mal à respirer, mes poumons semblent en feu. Pire encore, je n'arrive bientôt plus à bouger. Je ne vois plus rien, mes yeux sont noyés de larmes, je suffoque et finis par m'évanouir.

« Il est brûlant. Ce n'est pas normal... »

La voix me parvient comme noyée, assourdie. J'ouvre les yeux sur deux silhouettes rendues floues par mes pleurs, des larmes séchées, mes paupières me tirent comme si elles étaient collées. J'essaye de parler, ce n'est qu'un gémissement qui se forme sur mes lèvres. Je tousse et ce simple mouvement fait hurler ma cage thoracique de douleur. Une main glacée se pose sur mon front. Je distingue avec difficulté la masse blonde de mon frère qui me regarde avec inquiétude et la silhouette plus sombre d'Elaine à quelques pas de moi.

« Tu sais, ta mutation a été assez douce mais en général, les physio ne s'en sortent pas aussi bien. Rien qu'Alice... ce n'était pas joli à voir. Mais j'avoue que Nolan semble souffrir encore plus que la moyenne. C'est plutôt une bonne chose. »

Une bonne chose ? Le Nolan te remercie bien, Elaine. J'ai envie de l'insulter, je ne fais que cracher. Le drap se teinte de rouge et d'une substance brillante.

Tu auras 24h - tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant