Tu auras 24h - tome 1

Une tâche au creux de la main

Je m'engage dans le couloir avec la ferme résolution de ne pas me laisser faire et de participer au sauvetage de ma sœur, seulement à quelques mètres de la salle de réunion, je m'immobilise une nouvelle fois. Le souvenir d'Alice me revient et surtout sa mort. Qui me dit qu'ils n'en ont pas fait de même avec ma sœur ? Je me mets à courir, débarque dans la salle de réunion déserte. Presque déserte, j'aperçois mon frère qui traverse le mur après avoir fait traverser tout le monde.

« Bastien ! »

Mon cri se heurte au mur de terre dans lequel mon frère a disparu. Il ne m'a pas entendu.

« Elaine ne t'a pas dit de rester dans la pièce auxiliaire ? »

Amaury est dans mon dos, invisible jusque-là, caché dans une ombre de la pièce. Je le foudroie du regard. Alors c'est lui mon geôlier ?

« Il faut que je voie Bastien. Qui nous dit qu'ils ne l'ont pas déjà tuée ? Ce serait plus simple pour eux plutôt que d'attendre que le vaccin le fasse, non ? »

Ma terreur est tangible dans ma voix, je me giflerais volontiers pour ça si j'en avais le temps. Mais le temps, justement, me file entre les doigts. En quelques pas, j'ai rejoint Amaury qui cherche toujours une réponse et je le saisis au niveau des épaules avec rudesse.

« Regarde-moi, Amaury. Il faut que j'y aille. Et avant ça, il faut que je trouve quelle est ma mutation et si elle peut me servir. Mais je ne peux pas attendre ici en tournant en rond, tu comprends ça ? »

Ses deux mains dégagent les miennes et il perd soudain toute sa gentillesse et sa sympathie. Son visage noir corbeau a quelque chose d'effrayant, les traits de son visage encore plus.

« Nolan, tu es là depuis un mois, tu n'es catégorisé pleinement que depuis une heure. Alors n'essaye même pas de croire que toi seul as une vision claire de ce qui se passe. »

Il n'a pas tort, mais je refuse de l'admettre.

« Tu sais pourquoi Bastien a pris le risque de t'amener ici alors qu'il devait te laisser te débrouiller seul ? Parce que tu étais trop curieux, parce que tu risquais d'attirer les regards sur toi, sur eux, sur nous. Parce que tu es un danger public. Et parce que tu es un Devaux et que tu as une sœur jumelle potentiellement physiologiste. »

Un Devaux ? Il lève la main pour me faire comprendre que je ne dois surtout pas l'interrompre maintenant. Un pas en avant, il me force à reculer, il me force à m'acculer contre un meuble et plante un index accusateur dans mon torse.

« Mais ta disparition a aussi attiré l'attention sur toi, et pour ça Bastien en a pris pour son grade. Tes parents adoptifs ont perdu leur boulot, Blandine, ta sœur, n'a plus aucune chance de terminer ses études. Tu as déserté le Test, tout le pays est à ta recherche. Et Justine est en ligne de mire. Sophie aussi, d'ailleurs. »

J'ai la gorge sèche. Il ment. Il ne peut que mentir, non ? Personne n'a jamais déserté le Test, mes parents y sont pour rien, et Forester le sait très bien.

« Comment tu sais ça ? Pourquoi, ça n'a aucun sens ! Ils n'ont pas dit que Bastien avait déserté pourquoi le diraient-ils pour moi ? Et je ne suis pas un Devaux, je m'appelle Nolan Sanders et...

- Sanders c'est le nom de ceux qui t'ont élevé. Devaux, c'est une des rares lignées de physiologistes encore en vie et Justine, Bastien et toi en êtes les héritiers. A la seule différence que... bon sang, c'est à Elaine d'expliquer ça. Tu connais beaucoup de jumeaux ?

- Euh... non mais ce n'est pas très courant.

- C'est extrêmement rare, pour la simple raison que niveau mutation, s'ils sont catégorisés, ils voient leurs capacités augmenter ou s'affirmer davantage lorsqu'ils sont en présence l'un de l'autre, quand leurs mutations ne se complètent pas. De l'autre côté du pays, il y a des jumeaux créateurs qui contrôlent l'air et l'eau. Lorsqu'ils sont tous les deux, ils se débrouillent suffisamment bien pour faire des cyclones. Déjà qu'aux yeux des autorités, les mutations sont nocives pour le contrôle des masses, mais dans ce genre de cas, ils ont intérêt à avoir les paires de jumeaux de leur côté. Des jumeaux physios en revanche, je n'en ai jamais croisés. Mais ça doit être une aubaine parce que s'ils contrôlent l'un, ils contrôlent l'autre. »