Et tout part en poussière

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Il clignote en bas du bâtiment avec l'énergie du désespoir, comme un avertissement. Aucune indication, en revanche, du temps qu'il peut nous rester pour nous en occuper. Une vingtaine de minutes a dit Bastien : cinq se sont déjà écoulées et il y a quatre autres engins de ce genre. Je commence à me rendre compte que je ne sais absolument pas quoi faire, que je ne sais même pas ce que je fais là. Pourquoi avoir suivi Bastien et Amaury ? Pour ne pas être de reste, pour moi aussi m'investir, pour ne pas me tenir une nouvelle fois en dehors de l'action, ne pas être mis de côté. Parce que j'en ai assez de ne rien comprendre, de n'être qu'un spectateur. Spectateur de mon nom, spectateur de mon tatouage, spectateur de tous ces secrets et massacres qui ont apparemment lieu sous couvert d'une année innocente au Centre pour décider de qui seront les dirigeants de demain. Spectateur d'une société qui décide pour nous, sans nous le dire, qui s'arroge le droit de manipuler des foules et d'éliminer les éléments gênants dans le secret avant de mieux les effacer de la réalité. Parce que j'en ai assez d'être malmené, depuis le début de l'année. Qu'est-ce qu'on est supposé faire maintenant, pour désarmer un explosif ? L'inverse de ce qu'il faut faire pour l'armer, je présume.

D'une main autoritaire, je pousse Amaury en direction de l'explosif.

« Tu reconnais quelque chose ?

- Je ne sais pas vraiment... je crois que... peut être que si je débranche ce câble...

- Quel câble ? »

J'apparais bien plus assuré que ce que je ne le suis en réalité. D'une main sûre, je regarde le câble que me désigne Amaury et l'arrache sans attendre. Justine pousse un petit cri de surprise et de terreur, à mi-chemin entre le non ! et le Nolan tu es fou !. Amaury quant à lui aurait pu blêmir qu'il l'aurait fait, je parie, mais il reste immobile et on attend pendant un temps interminable que tout s'effondre autour de nous.

L'explosif clignote. Une fois, deux fois. Puis c'est le chant du cygne : la lumière s'éteint pour ne pas revenir. Lorsque je reprends ma respiration, c'est pour m'apercevoir que je l'avais bloquée dans l'attente d'un résultat. Un explosif de moins. A en croire ce qu'a dit Bastien, rapportant les propos d'une certaine Moira que je ne connais pas, il...

« Il faut qu'on se bouge, il en reste quatre. »

Justine a pris le relai, Amaury est déjà en mouvement, je n'arrive à suivre que les ombres de ses vêtements qui capturent malgré leur teinte foncée davantage que sa peau couleur pétrole. Avec un temps de retard, je les rejoins, sans savoir ce qu'on peut faire. Dans la plaine du campus, aux pieds des tours, on perçoit des mouvements. Les Agents, ils ont eu l'alerte et... On n'a pas fini de débrancher maladroitement – je dirais même davantage saccager que débrancher – deux explosifs supplémentaires que les premiers cris se font entendre. Des coups de feu, des éclats de lumière, au pied d'une autre tour. Et je prends conscience du temps qui passe. Amaury semble de plus en plus nerveux, avec l'air de dire qu'il ne sait pas du tout comment on pourra redescendre en sous-sol sans l'aide de Bastien, c'est du moins ce que je comprends de ses regards de plus en plus rapprocher vers le sol, vers là où se situe l'escalier-enterré que Bastien utilise pour nous faire rejoindre les tunnels. Les cris se font distants, nous distraient.

« Bon sang, j'aimerais savoir ce qui est en train de se passer. »

Une explosion, plus forte que le reste : au nord-est, au pied de la tour 10. Ce qui la démarque des autres : le souffle qui a balayé le rez-de-chaussée, l'embrasement qui suit et le brasier qui se propage. Elaine, me souffle Justine dans la tête. Créatrice feu, complète-t-elle sans attendre, et faisant resurgir des images de scènes auxquelles je n'ai jamais assisté, d'un étage du Centre dévasté par les flammes, elle est destructrice. La voix de Justine commente, je cligne des yeux, attrape le bras d'Amaury pour lui désigner les flammes qui piétinent l'obscurité nocturne. Il confirme d'une voix agacée que c'est bien Elaine qui est prise avec les Agents, mais ajoute aussi que le temps file à toute vitesse, et que les vingt minutes données par Bastien se délitent autour de nous sans nous attendre.

Tu auras 24h - tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant