Chapitre VII

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J'ai eu peur un instant d'une supercherie immonde, aussi j'observai dans tous les sens le bout de papier histoire de voir si c'est le bon et surtout en espérant me tromper, trouver que c'était un faux, m'exclamer, crier, hurler, déchirer l'air qui s'approchait de moi avec beaucoup trop de compassion. Je rejetai tout en gueulant très fort dans ma tête. Les murs, le ciel, l'eau et Nounours. Rien n'existait plus que ma tête qui hurlait fort à elle-même, mon cœur qui déchirait ma poitrine et mes mains avec le papier.

« Je crois que l'oiseau a très envie que le chat l'attrape. »

Non. L'oiseau n'a pas envie. Je serrais Nounours alors que des larmes vilaines perçaient mes joues d'enfant.

[...]

L'aube ne m'avait pas réveillé. J'étais réveillé bien avant. J'avais sagement reposé Nounours sur le lit de son propriétaire et mes bras étaient tout froids sans lui. Je sentais le creux dans mes bras grouiller dans mon ventre, affreux et torride. Et je n'osais pas me retourner. Je savais qu'il me regardait.

— Je sais que tu dors pas.

Sa voix me fit sursauter. Je décidai de lui en vouloir très fort mais je ne réussis que quelques secondes à lui en tenir rigueur. Quelque chose dans sa voix me convainquait de me laisser bercer.

— Tu veux Nounours ?

Je sentais sa voix inquiète. Il devait savoir que je n'avais pas dormi. Je me cachai dans les plis de ma couette et de ma tristesse pour mieux disparaître.

— Je... Ça me dérange pas de te passer Nounours un peu.

Blanc.

— Je veux bien.

[...]

Je ne me suis levé que très tard. Il n'y avait pas cours le samedi et le lycée était très vide. Je m'amusais en début d'après-midi du bruit de mes pas sur le carrelage effacé et de l'écho que faisait ma présence dans le vide immense qui m'accueillait. Les murs semblaient courir vers moi avec beaucoup d'empressement en riant.

Je crois que je ne fis rien d'autre aujourd'hui.

[...]

La nuit tomba. Et lorsque je regardai la lune se lever doucement, quelque chose se brisa en moi. Le regard que me jetait la lune était si doux, si attentionné que je revis le sourire de M. Robert et la voix voyageuse de ma professeure de littérature. Les larmes me montaient à la tête comme un alcool fort.

Soudain, mes pieds partirent avant moi. Mes mains poussèrent avec avidité la porte qui me séparait du dehors. Je hurlais. Je n'étais pas un oiseau, pas même un oiseau de nuit. J'avais mal à mes chaines qui me maintenaient à terre comme un reptile. Il se mit à pleuvoir et j'eu l'impression cynique que je me noyais dans ma propre rancœur. Bien fait pour ta gueule, Sasha. Meurs.

[...]

Plus tard, je me suis assoupi dans la boue. Les feuilles me léchaient le visage comme un vieux chien sénile.

[...]

— Alors je te le passe. Essaie de dormir un peu, tu vas être crevé.

— Hm.

Il posa Nounours à côté de moi et je le saisis avec avidité. Il projetait son ombre sur moi, doucement. Elle était terriblement agréable et chaude, cette ombre. Je décidai que j'aimais bien son ombre.

— Je peux poser une condition ?

— Hm.

Blanc.

— Ne me fuis pas.

Je le fuyais pas. C'est lui qui fuyait tout seul. Le con.

[...]

Je sentis quelqu'un me relever doucement. J'étais sale et transi et fatigué mais plus en colère. La pluie m'avait au moins lavé de ça. Dans la nuit noire, je ne voyais rien. Je ne sentais rien. J'étais quand un cocon à moi qui me paraissait beaucoup trop chaud pour être véritable. Je me laissai aller à la confusion de cette illusion.

Quelques minutes plus tard, nous étions dans ma chambre. Une voix m'ordonna d'aller prendre une douche. J'étais éteint ; rien en moi n'aurait pu refuser.

J'étais propre. On me fourra Nounours dans les bras et je m'assoupis. C'étais une nuit belle et sans rêve. La nuit avait fait attention à moi. Elle m'avait veillé, je sentais son souffle chaud et nocturne tout près de mon oreille. Il me susurrait des mots doux auxquels l'obscurité m'interdisait de rougir. Alors je souriais, coquet, dans mon sommeil d'or.

Lorsque je me réveillai le matin, Nounours était toujours dans mes bras. Je plongeai ma tête dans sa fourrure bienfaitrice. Et soudain, je n'osais plus bouger. Le temps tout autour s'était suspendu, mon cœur battait fort à m'en aveugler et mon souffle se faisait rêche et dur contre la peluche que j'écrasais plus fort contre ma poitrine.

J'étais dans les bras de quelqu'un.

Fuites embraséesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant