Je vins m'asseoir à côté de Nounours, et de lui. Il me mit Nounours dans les bras, sans un mot. Face à tant d'insistance, je n'osais pas refuse si aimable offre, aussi je serrais tant que le pouvais la peluche dans mes mains toutes frêles, toutes tremblantes. Mon corps vacillait, secoué par des soubresauts chancelants qui parcouraient mon dos en longues sueurs froides.
— Quelque chose ne va pas ?
Je ne lui ai rien répondu. Je crois que je me suis endormi.
[...]
— Il y a eu une brève querelle entre André Gide et Marcel Proust. En effet, lorsque Marcel Proust dépose son manuscrit à la NRF, André Gide en parcourt quelques pages et rejette unilatéralement le roman. Cependant, cette dissension est loin d'être comparable à celle qui l'opposait à d'autres autres qui lui étaient contemporains...
J'aimais moins la voix de ma professeure de littérature. Elle était moins douce, moins belle, plus amère. Comme si elle avait connu la vie, et qu'elle avait été écorchée. J'aurais voulu la panser, la choyer, mais je n'avais pas le droit. En fait, je ne pouvais même pas saisir sa voix, ce n'était pas une question de droit. C'était une question de moyen. La voix paraissait s'échiner quelques temps à se frayer un passage à travers l'air, avant de renoncer, épuisée.
C'est moins libre que ça a l'air, la voix. Tout le monde dit que c'est direct, sincère. Qu'on voit tout dans la voix.
Je traçai quelques lettres en m'appliquant bien trop à mon goût. Les mots faisaient des taches d'encre sur la feuille, et j'avais l'impression très précieuse qu'ensemble ils s'envolaient. Comme des oiseaux.
Ce paysage m'a beaucoup plu.
[...]
— Tu aimes bien M. Robert.
— J'aime beaucoup ses oiseaux.
— Tu ne l'aimes pas, lui ?
Blanc.
— Il sait beaucoup de choses.
— Il est très savant en effet.
— Tu l'admires.
— C'est vrai.
— Il sait trop de choses.
— Tu trouves ?
— Il sait lire.
— Lire ?
— Les oiseaux d'encre. Il sait lire dans les oiseaux d'encre qui hantent les gens.
Georg me sourit. J'eus durant quelques instants l'envie de croire qu'il avait compris ce que je voulais dire, sans pourtant en nourrir trop l'illusion. Ce pouvait être un sourire de politesse, un sourire de courtoisie, faux, bon, doux et patient.
Mais je savais que ce n'était pas le cas.
[...]
Lorsque je me réveillai, la chambre était vide. C'était la première fois que je goûtais un tel vide. Il était acide, corrosif. Je regrettais la nuit amère, et le goût salé des pleurs.
Nounours était tout collé à moi ; le lit d'en face était vide, tout vide. Hier soir, je m'étais assoupi contre Nounours, contre lui aussi. Il était sur mon lit. Nous étions trois pour un seul lit. Le matelas affichait un air content ce matin. Il ne semblait pas s'en plaindre.
[...]
— Il faudrait qu'on y aille, ça fait plusieurs heures qu'on est ici.
— Hm.
— Tu devrais aller t'excuser auprès de M. Robert pour ton absence.
Blanc.
— Et toi ?
Blanc.
— Moi ça ira. La nuit va tomber. Faut se rentrer, il fait plus froid. Passe le voir. Je t'attends dans la chambre. On ira manger ensuite.
[...]
Je m'assis sur mon lit. Mon estomac grondait. Je n'avais pas mangé la veille et il me le signifiait. Pourtant, le vide qui m'emplissait tout à l'intérieur ne semblait pas pouvoir égaler celui qui s'étalait sous mes yeux, se prélassait dans les plis abandonnés du lit d'en face, qui me donnait dans des élans de grande bonté, quelques éclats tristes et compatissants.
[...]
Un mot était posé sur ma table, avec une écrire un peu pressée et très calme. Elle portait une teinte familière, désormais.
« Rejoins-moi là-bas. Le vent est libre. »
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Fuites embrasées
RomanceSasha n'aime pas beaucoup le monde. Quand il débarque à Saint-Exupéry, il n'aime rien. Puis peu à peu il va aimer les oiseaux, un ours en peluche et peut-être même l'océan, l'océan tout entier pour mieux s'y perdre. Publication dans le cadre du prog...