La grotte

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Quelques jours plus, la pluie attaque ceux que j'observe. Enfin, pas moi, car je suis un peu plus haute que les nuages.

Je descends légèrement un peu pour les protéger de l'eau, mais le temps s'aggrave et je vis le premier éclair. Je me dirige immédiatement vers une montagne pour m'y poser, et les centaures, ainsi que Swan, me rattrapent rapidement.

-Que fait-on? me demande la femme centaure. Je suppose que tu ne peux pas voler dans une tempête.

-Même le plus puissant des dragons ne s'y attaquerait pas, je rétorque. Ceux qui ont essayé sont incapables de voler tout court!

-Il est aussi imprudent d'être sous les arbres lors d'un orage, affirme Swan.

Puis, elle me descend de son cheval et me contourne pour apercevoir une grotte. L'entrée étant petite, le seul moyen pour moi d'y entrer, c'est de me transformer en humaine, et pour l'instant, ce n'est pas ma tasse de thé.

-Une grotte! s'écrie-t-elle. Ça serait parfait!

Les centaures, aussi excités qu'elle par la découverte du trou, entrent en emmenant le pauvre petit cheval. L'entrée était parfaite sauf pour moi.

-Et moi, je réplique? Je reste dehors?

Aucun ne me répond. Je me couche alors et souffle un peu de feu pour ne pas trop m'ennuyer (même si c'est un signe d'ennui). Je ne sens rien de bon de cette grotte et ça me hante l'esprit. Ils ne m'avaient laissé le temps de les empêcher, de les mettre en garde.

Quelques heures passent et le beau temps arrive. Je crie alors:

-La tempête est finie. On y retourne.

Aucune réponse et quelques instants plus tard, j'entends un cri de détresse. C'est Swan!

Pas le temps d'un combat mental pour mon identité. Je me transforme en humaine et rentre dans la grotte, le feu sanglant à ma gorge tout de même. Je traverse quelques couloirs, comprenant ainsi pourquoi je ne sentais rien de bon pour Swan: c'était un repère de dragons rouges, un centre d'espionnage de Varshice. Ce dernier m'avit interdit d'y penétrer, pour ne pas éveiller les soupçons. Cette fois-ci, je n'éveillerai pas les soupçons: si on me le demande, j'affirmerai que Swan y était entrée avant moi. Pour Varshice, je lui dirai que je surveillais le "nouvel objet de Tartan".

Pour avoir eu ma note excellente à l'examen, je savais déjà comment m'orienter dans ces repères, conatruits principalement de la même façon: après quelques couloirs, c'est la salle principale, là où on accueille Varshice et là où on retient les prisonniers, donc leur torture fait plaisir à mon maître.

Je trouve la salle principale comme je l'ai prévu. Initialement, c'est la seule pièce entièrement rouge, pour ainsi nous camoufler des yeux des imposteurs et les attaquer. Sûrement la technique que les résidents ont utilisé sur les missionnaires du roi Sulvatro.

Swan était accrochée sur un mur, alors qu'un dragon, sous sa forme humaine, la torture. Un de ses doigts s'est transformé en griffle pointue. Pour la princesse, ses vêtements sont déchirés et du sang coule sur son corps. Cette vision me fait frissonner de dégoût : elle perd toute sa beauté avec ce sang que je ne la reconnais quasiment pas. Pourtant, c'est sa voix qui crie. Si on m'ordonnait de la tuer, je n'hésiterais pas longtemps pour le faire: ses souffrances seraient allégées et son visage ne serait plus reconnaissable.

Je me rapproche tranquillement, observant mes confrères. Étrangement, je les connais tous: d'une manière ou d'une autre, on finit tous par se rencontrer et à travailler ensemble, même si on obéis au roi à temps partiel.

Je remarque Lear et Prospero, les jumeaux tueurs. J'ai combattu avec eux, alors que j'avais une mission pour le grand-père de Swan. J'en avais profité pour tuer quelques ennemis de Varshice ainsi que quelques innocents. J'avais travaillé avec eux à d'autres reprises, sans jamais créer un lien fort qui pourrait les empêcher de tuer Swan, sauf avec un prix à payer.

Mes yeux se tournent vers une dragonne aux allures sombres et fantastiques. Peut-être que je suis la plus intelligente des dragons, mais elle avait gagné le prix de la plus belle. Et pourtant, sa forme humaine est hideuse, ce qui lui voue une jalousie à la princesse humaine. Je n'avais pas eu la chance de lui parler,  à part peut-être des salutations formelles au cours d'une soirée rouge. Zohra, je crois. Non, je n'ai pas davantage avec elle.

Et le dernier, celui qui est dos à moi, m'est totalement inconnu. Je n'ai jamais vu sa silhouette et je me demande bien qui est-il. Alors, là, j'ai encore moins l'avantage.

C'est alors que je me transforme tranquillement en dragonne et prie pour que Lear et Prospero ne prononcent pas mon nom ou que Swan ne me remarque pas. Je m'accroche au mur, essayant de trouver une solution et c'est là que la princesse parle:

-Écoutez, je ne sais absolument pas pourquoi je fais ça. Je me suis chicanée avec ma meilleure amie, et ensuite, j'ai été jetée dans un portail. Si vous me laissez juste retourner à ma vie d'avant, je ne vous dérangerai plus...

-Je ne fais confiance qu'à mon maître, s'écrie l'inconnu! Toi, tu es humaine. Ta parole ne vaut rien, alors que celle de Varshice est tout.

-Ne me faites pas le même sort que les autres, supplie-t-elle. Je vous en prie... Je m'entends bien avec la dragonne qui nous protège. Elle s'appelle Rouge et elle est puissante...

Ils rient tous d'un ton moqueur, alors je les imite doucement. Le leader réplique:

-Mais petite, nous, les dragons rouges, avons tous le même nom. "Rouge", c'est le nom donné par nos géniteurs à notre naissance. Certains, comme moi, ont eu la chance d'avoir un nom de famille. D'autres ont tellement été humiliés qu'ils ont dû se choisir le nom au complet. Alors, si tu cries le nom de ta dragonne, ça peut très bien être ma collègue Zohra qui te répondra...

-... en tranchant ta jolie tête, compléta la reine de la beauté.

Je m'approche de Prospero et lui murmure:

-Tartan la veut vivante. S'il doit y avoir un combat, il sera celui qui la combattra.

Il me fixe et murmure:

-Qui t'a dit ça?

-Notre maître.

Bon, ce n'est que mon interprétation : il m'a ordonné de protéger Swan, comme Sulvatro. Elle doit se diriger vers Tartan, comme tous les camps le souhaitent. Varshice ne l'a pas dit spécifiquement que Tartan la veut vivante, mais c'est ce qu'il insinuait. Enfin, je crois.

-Alors arrête, arrête tout ce cirque, je lui ordonne.

-Oh que non! Je ne veux pas insulter notre nouveau maître.

-Notre nouveau maître, je demande? Lui?

-Tu n'as pas entendu les rumeurs, s'approche Lear? Une prophétie que Varshice perdra le trône après la mort imminente de Tartan et Swan. C'est lui, le seul, qui sera notre nouveau maître.

Alors que je risque un coup d'oeil à Swan, je devine qu'elle s'est évanouie. Sa mort peut approcher autant que je peux la sauver rapidement. Je saute sur l'inconnu tout en sortant mes griffes. Mon cri raisonne et je l'empêche de donner le coup fatal d'un coup de patte.

Une chose qui est certaine, je ne laisserai pas Swan se faire mourir, sinon de vieillesse, la mort qu'elle désire.

Alors que l'inconnu se retourne pour me voir, il commente:

-Alors, voilà la célèbre Safiya Devares. La plus intelligente des dragons.

-Qui êtes-vous, je demande? Il ne me semble pas d'avoir déjà vu votre visage pathétique avant.

-Oh, mais c'est bien normal: je me cachais de toi et du règne de Varshice. Par contre mon nom doit t'être familier: Farsculum Devares.

Dragon rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant