31 Mars 2015

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"Si un jour on te demande qui tu es, réponds que tu ne sais pas, parce que tôt ou tard on t'oubliera."
- Muller Vincent

Il tournait en rond, la tête baissée à fixer le sol comme s'il était la première des merveilles qu'il n'eut jamais connu.
Il tournait en rond, à dessiner un cercle sans fin, sans but précis au final. Un peu comme ses pensées qui ne voyaient jamais de fin, comme ses questions qui ne cessaient de l'abasourdir.

Il réfléchissait jour et nuit. A quoi ? A tout et à rien en même temps. Parce qu'il n'avait jamais posé un pied dehors, parce qu'il ne savait pas à quoi le monde extérieur ressemblait réellement lorsqu'il vivait, lorsqu'il respirait au grand jour, parce qu'il ignorait ce qu'était un visage humain éclairé autrement que par la Lune. Il n'avait jamais prit le temps de s'attarder sur ces détails le peu de fois où il était sorti le jour. Il avait besoin de savoir, de comprendre. Devenait-il fou à se poser autant de questions ? Etait-il le seul à réfléchir de la sorte ? Comment pouvait-on prétendre à tout connaître ? Existait-il quelqu'un ayant les réponses à n'importe laquelle de ses questions ?

Le savoir d'une éternité ne pouvait être contenu en une seule et même
personnalité.

Depuis que son ami lui avait appris à se servir du petit appareil électronique à touches il y a de cela des années, il ne le lâchait plus. Il l'appelait <<la boîte à réponses>> parce qu'à chaque fois qu'il posait une question, il obtenait une réponse dans la seconde. Des <<sites internet>> les appelait Eurynôme. Il avait beaucoup appris grâce à lui et grâce à cette machine. Pas une seconde ne se passait sans qu'il n'analyse un nouveau site à la recherche d'une réponse à sa question qu'il s'empressait de noter. Il écrivait, schématisait, résumait. Il comprenait, il apprenait encore et encore. Sa soif de connaissance n'était jamais bien longtemps rassasiée. Lorsqu'à une question il obtenait sa réponse, il se replongeait dans une nouvelle interrogation apparue parallèlement à la précédente. Jamais il ne s'arrêtait. Seul le coucher du soleil mettait fin à ses recherches car c'est dans le ciel qu'il trouvait ses réponses, qu'il apaisait sa conscience, qu'il trouvait la paix en la douceur et la sécurité des étoiles. Lorsque le Soleil narguait le ciel pour reprendre sa place, il retournait à ses activités, de nouvelles questions apparues soudainement. Calepin et crayon en main, il était le parfait élève.
Aujourd'hui, sa curiosité avait été bien plus grande que de simples questions. Aujourd'hui, il voulait plus que des réponses. Aujourd'hui, il voulait se risquer à autre chose, l'inconnu, l'être humain. Durant de longues heures il avait cherché des moyens de discussion avec eux, longtemps il avait réfléchi. Facebook ? Un site parmi tant d'autres et pourtant le premier sur la liste.
C'est alors hésitant qu'il avait suivi à la lettre chacune des instructions pour mettre à bien son intention.

Prénom ? Ederson.
Nom ? Etait-ce sincèrement utile ? Soit. Klimph.
Age ? Ne nous aventurons pas sur ce terrain.
Date de naissance ? Quand avait-il atterri ici ? 11 Octobre 1993, en effet. Cela fera l'affaire.
Lieu de résidence ? Londres.

Il était fin prêt, aux aguets comme le fauve guettant sa proie au détours d'un virage. Il explorait, découvrait ce <<réseau social>> sans vraiment comprendre comment il était possible de créer une discussion. Après tout, peut-être était-ce une erreur ? Peut-être n'aurait-il pas dû s'inscrire ici ? Comment faisait-on pour s'en aller ? Comment faisait-on marche arrière ?

Stop. Un bruit sourd, une fenêtre bleue agrémentée d'un petit "1" rouge. Un message.

<<Qui êtes-vous ?>>

Un vagabond, une âme délaissée,
un grain de sable noyé, effacé,
une illusion, un cauchemar que l'on veut chasser à tout prix,
un homme, un ange banni du paradis

Connaître son nom ne vous engage qu'à l'oublier
lorsque le temps sera venu pour lui de vous quitter.
Il n'est personne, il n'est rien,
qu'un homme démuni, sans vie, sans avenir promis.
Il est un passé oublié,
des souvenirs supprimés
un présent inintéressant,
rien ne sera jamais plus comme avant.

Approchez, approchez.
Admirez-le, lui et son idiotie,
admirez-le, lui qui a péché,
lui qui a été puni,
condamné à errer durant l'éternité.

Ederson Aimé Klimph.Where stories live. Discover now