5 décembre 2014, 15h30, dans la forêt.
Il dut s'y prendre à plusieurs fois pour ouvrir ses paupières. Lentement, péniblement. Il avait l'impression que de la glue avait soudé ses cils. Lorsqu'il y parvint enfin, il ne vit d'abord qu'un grand flou noir, vaguement percé de nuances plus grises, au milieu duquel se matérialisèrent petit à petit quelques formes plus ou moins reconnaissables.
Une bouche, là. C'était sûrement une bouche. Le genre de bouche que l'on aurait aimé voir étirée un peu plus souvent d'un sourire, pour l'heure pincée par le tracas. Un nez fin, bien droit. Deux grands lacs d'eau claire – oh, merde, il connaissait ces yeux, il les connaissait par cœur – il connaissait ce visage – et la figure de Léo apparut soudain devant lui, à quelques mètres à peine de la sienne, barrée d'une expression soucieuse.
Les traits du blond, toutefois, s'éclairèrent quand il comprit qu'il était réveillé : ce fut bref, mais une lueur soulagée adoucit leurs arêtes. Dans le même temps, Léo passa une main tendre sur le front du Claus – celui-ci sentit les détails de sa paume épouser les reliefs de sa peau avec une acuité surprenante –, puis sourit, se releva et disparut.
Nathan voulut le retenir, mais son souffle se noua dans sa gorge en une grosse bulle d'air pour s'expulser en gargouillements indistincts. Il tenta avec prudence de mobiliser ses muscles engourdis ; le succès fut mitigé, néanmoins, le garçon put remarquer que tout semblait fonctionner sans trop de casse. La douleur se prouvait étonnamment minime. Présente, bien sûr, mais sourde, fatiguée, là où il s'était attendu à ce qu'elle le transperce.
Il aurait dû se tordre de douleur.
Non. Il aurait dû être mort.
Il était vivant.
Putain.
En y mettant toute son énergie, il se hissa en position assise et posa un regard circonspect sur sa main gauche. La pulpe de ses doigts était abîmée, comme si elle avait cicatrisé de façon anarchique. Il n'y avait toutefois aucune trace de nécrose. Sa main aurait pourtant dû être inutilisable, il s'en souvenait : il avait perdu son gant, erré dans le froid, était tombé dans l'eau glacée... bordel, il s'était fait laminer par une ombre ! Comment pouvait-il être encore de ce monde ? C'était proprement impossible.
D'un geste hésitant, il souleva les vêtements qui recouvraient son ventre. Il n'était pas rassuré par ce qu'il allait y trouver ; ses yeux surpris découvrirent un spectacle beaucoup moins impressionnant qu'il ne l'avait craint. Quatre grandes raies rosâtres déformaient le travers de son flanc, incrustées vicieusement dans sa chair. Mais elles étaient closes. Guéries.
Il était vivant.
Avant qu'il n'ait pu se poser plus de questions, Léo réapparut sans crier gare, suivi de près par le reste de la fratrie Claus.
— Nathan ! s'exclama Victorine en se jetant dans ses bras.
L'interpellé la réceptionna lourdement contre lui, étouffant une expiration de douleur. Sa sœur le serrait avec beaucoup trop de puissance au goût de ses muscles malmenés. Il ne protesta pas ; l'étreinte avait quelque chose d'étrangement réconfortant.
— Qu'est-ce qui s'est passé ? grogna-t-il dans la masse de la chevelure noire de sa cadette.
Il observa tour à tour les visages penchés sur lui : Judith, qui tentait très fort d'avoir l'air détachée mais dont le soulagement crevait les yeux, Charlie dont les iris débordaient d'affection protectrice, la simplicité de l'amour dans le sourire de Nans, Léo qui évitait toujours de croiser son regard. Il pinça les lèvres.
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From Christmas with Love
Adventure1er décembre 2014, Pôle Nord. Le Père Noël a été enlevé. Bon gré mal gré, ses six enfants s'arment et se vêtissent pour se lancer sur ses traces, au cœur de la banquise glaciale, afin de secourir Santa et de le ramener à la maison avant la date fati...