Chapitre 16 - Toxique

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Quelque part ailleurs.

Lorsque Léo revint à lui, la première chose dont il prit conscience fut le corps sur lequel il était étalé. Grognant un juron, il se redressa aussitôt, ignora le bref vertige qui lui saisit le crâne, et s'éloigna du garçon qui lui avait visiblement servi de matelas d'atterrissage après leur chute dans le terrier du lapin.

Exécutant une rapide check-list mentale, il s'aperçut qu'il était toujours vivant. Comme l'avait prédit Nathan, malgré l'absurdité totale de la situation – combien de mètres avaient-ils dégringolé, là-dedans ? Et surtout, étaient-ils tombés ? Léo se maudit de ne pas y avoir songé avant – repérer le périmètre, ça aurait dû être son premier réflexe, mais son esprit n'avait pas la même assiduité militaire que celui de Charlie ou de Judith, et il avait toujours un peu de mal à organiser les tourbillons de pensées (plus ou moins futiles) qui bourdonnaient dans son esprit de manière constante.

Le périmètre, se rappela-t-il à l'ordre.

La première chose qui le frappa fut la forte odeur de bois verni qui embaumait l'atmosphère. Un parquet en bois, des tables en bois, des murs lambrissés de bois et tout un tas d'outils qui, à en juger par la sciure qui recouvrait les établis, devaient servir à sculpter le bois. Quelques uns des ouvrages nés de leurs dents et de leurs pinces étaient exposés en vrac sur une commode, un dinosaure que l'on avait commencé à peindre, quelques poupées, une panthère figée en plein saut et un petit avion à hélice. Dans un coin de la pièce, une immense cuve en étain grimpait jusqu'au plafond ; Léo savait qu'elle était emplie d'encre, que le propriétaire des lieux teintait par la suite pour obtenir une large palette de couleurs, par un procédé qui échappait encore au garçon.

Il se trouvait dans l'atelier de Santa. L'atelier en lui-même, sans la majuscule qui désignait tout l'immense complexe qui s'étalait sous la cheminée du Pôle. L'atelier dans lequel le Père Noël fabriquait ses jouets – et, plus récemment, depuis lequel il coordonnait toutes les factions de son usine et s'occupait de l'organisation administrative de Noël, ayant délégué les tâches plus manuelles à son armada de lutins.

Cela aurait dû être la première fois qu'il mettait les pieds ici, mais il ressentit une drôle d'impression en observant les lieux, une réminiscence familière ressuscitée des tréfonds de sa mémoire. Sachant qu'il était incapable de se souvenir de la moindre scène antérieure à ses onze ans – le jour où Santa l'avait ramené chez lui, dans sa famille, lorsque Léo était entré pour la première fois dans le salon des Claus –, l'expérience se trouvait aussi inédite qu'inexplicable.

Il aurait aimé s'y pencher avec un peu plus de précision, mais il avait conscience que la situation ne s'y prêtait pas, pour l'instant. Rangeant l'idée dans un coin de son esprit, il se promit d'en toucher deux mots à Santa. S'ils le retrouvaient. Et qu'il était toujours vivant. Évidemment.

Un long grognement plaintif s'éleva derrière lui, lui rappelant la présence de Nathan, toujours étendu au sol. Le garçon n'allait pas tarder à se réveiller, songea Léo, en hésitant quant à ce qu'il devait faire. Il l'aurait bien laissé se débrouiller, mais il ne pouvait empêcher sa foutue conscience de lui envoyer de mauvais relents de culpabilité à l'idée de laisser son comparse étalé seul sur le parquet.

Avec un soupir, il s'accroupit à côté de la tête du brun, vérifia sommairement son pouls et sa respiration, posa un instant la main sur son front – ses doigts s'y attardèrent un peu trop longtemps. Le jeune homme semblait en bonne santé. Léo laissa retomber sa main et se releva, détaillant à nouveau les lieux à la recherche, cette fois, de ce pourquoi il avait été envoyé ici : un panneau de contrôle, un boîtier électronique, quelque chose, n'importe quoi qui lui permettrait d'accéder au réseau de l'Atelier et d'en éteindre les défenses. Il en repéra un derrière l'une des poutres qui soutenaient les combles, l'ouvrit et se plongea dans les intrications de touches et de fils qui s'en échappaient.

From Christmas with LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant