Chapitre 23 - Ce soir ou jamais

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Hall au sapin.

Quand le premier éclair de lumière emplit la pièce, Judith profita de la transe aveugle qui s'était abattue sur leurs adversaires pour attraper Nathan par l'épaule.

— On se tire, lui murmura-t-elle.

Conscient que le temps leur était compté, ils foncèrent jusqu'au sapin en zigzaguant entre les ombres qui mugissaient et se tordaient sous la luminosité trop forte, passèrent chacun l'un des bras de leur père sur leurs épaules pour le traîner sur ses pieds et repartirent aussi vite qu'ils le purent vers la porte, à l'autre bout du hall, Victorine sur leurs talons. Cahin-caha, ils se faufilèrent dans la pièce surpeuplée, pivotant d'un monstre à l'autre, marchant en crabe, traînant leur vieux père aux trois-quarts dans le pâté qui pesait bien son poids. Il fallait qu'ils parviennent à la porte avant que les créatures ne retrouvent leurs esprits, sans quoi ils se retrouveraient encerclés et probablement morcelés en quelques minutes.

— Du nerf ! encouragea Judith en ré-ajustant le bras de Santa sur son dos.

Elle avait parlé sans vraiment s'adresser à quelqu'un, à la ronde bien qu'à voix basse, n'espérant pas vraiment que ses mots atteignent le but escompté. Derrière eux, Victorine s'était arc-boutée contre le dos de leur père et poussait de toutes ses forces. Les silhouettes des ombres autour d'eux s'éclairaient successivement de rose, de bleu et de jaune, d'étranges profils effrayants bariolés comme des clowns sinistres, au gré des variations de la guirlande du sapin.

Judith posa sa main sur la poignée de la porte lorsque les premières ombres retrouvèrent leurs sens.



Passerelle 9C.

L'écho d'un sifflement fielleux rebondit sur les hautes parois du hall, lançant l'état d'alerte parmi la ruche d'ombres. L'intervention lumineuse de Léo avait ralenti la progression des monstres qui gravissaient les escaliers, mais malgré tout, les premiers se faisaient déjà apercevoir au bout de la passerelle qu'occupaient Charlie et Nans.

Le plus âgé les remarqua avant son frère, qui avait toujours l'œil vissé dans la lunette de son fusil. Il lui secoua urgemment le bras.

— Nans, faut qu'on se barre. On pourra pas tenir cette position.

Charlie arma son pistolet, difficilement, du fait qu'il était obligé de tout faire de la main gauche. Ses gestes étaient moins précis qu'à l'ordinaire. Avec un soupir, son cadet acquiesça et se redressa sur ses genoux.

— T'as raison.

— Laisse tomber, argua Charlie alors que son frère avançait une main pour démonter le sniper.

Sans plus tergiverser, il passa son bras valide sous l'aisselle de Nans et le souleva presque de terre pour le remettre sur ses pieds. Lorsqu'il toucha le sol, les jambes du jeune homme manquèrent de se dérober sous lui. Il se rattrapa de justesse à Charlie, maudissant ses genoux tremblants et sa faiblesse en général.

— Putain, gronda-t-il. Faut toujours que ça arrive au mauvais moment...

— T'en fais pas, Nans, on va s'en sortir.

Ils formaient un beau duo d'estropiés, tous les deux, les jambes en coton et le bras en compote, se hissant péniblement jusqu'au sas de sortie. Le battant de métal résista sous les doigts de Charlie, solidement imbriqué dans le mur. Perdant patience, l'aîné Claus finit par balancer un grand coup de pied dans la porte, qui résonna bruyamment dans un écho de ferraille, puis un deuxième. À la troisième itération, le sas céda enfin et ils s'engouffrèrent dans le passage. Jetant un œil derrière eux, ils purent voir que les ombres étaient plus proches que jamais.

From Christmas with LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant