Chapitre 21 - La pente fatale

82 13 51
                                    

Est-ce que quelqu'un lit encore ces didascalies ?

Les six Claus et Léo contemplèrent la double rangée d'escalators qui se dressait devant eux, perplexes pour certains, méditatifs pour d'autres, blasés pour les derniers. Ce fut Victorine qui finit par briser le silence.

— Qu'est-ce qu'on attend, exactement ? Qu'il fasse jour ?

— L'accès au sapin est à l'étage, expliqua patiemment Marysa. Ce chemin nous amènera sur la passerelle supérieure qui contourne l'arrière de la salle – on devrait s'y trouver à l'abri des regards, tout en disposant d'une vue de choix sur le reste du hall. Mais il s'agit d'une voie de secours, elle n'est pas censée s'emprunter dans ce sens.

Victorine comprit ce qu'elle voulait dire lorsqu'elle remarqua que les quatre escaliers roulants se dirigeaient tous vers le bas, dans la direction opposée à celle qu'ils voulaient rejoindre.

— Pourquoi s'emmerder à installer quatre escalators si c'est pour qu'ils soient tous réglés dans le même sens ? maugréa Judith. C'est parfaitement débile, excusez-moi du peu.

— Je ne savais pas que tu étais devenue une experte en organisation de l'espace, Judith, répondit sa mère d'un ton las.

— Ce n'est pas une question d'expertise, c'est une question de bon sens.

— Eh bien quand cette histoire sera réglée, tu pourras toujours remplir une suggestion au bureau des plaintes et leur exposer ton idée.

— Je ne remplirai rien du tout, vous vous démerderez, grogna Judith. Dès que papa est tiré d'affaire, je me casse et je rentre chez moi. J'ai pas que ça à foutre.

Un silence un poil trop lourd suivit ces mots. Dans son dos, le reste de la fratrie Claus échangea un regard de malaise. Sans aller jusqu'à penser que tout redeviendrait comme avant et que maintenant qu'elle était rentrée, Judith oublierait ces sept dernières années et resterait pour de bon, ils ne s'attendaient pas à ce qu'elle énonce son départ avec autant de brutalité. Ces derniers jours de calvaire partagé n'avaient donc rien changé ? Ni pour la rapprocher de sa famille, ni pour atténuer sa rancœur ?

— Carrément ? souleva Charlie. La retenue médiocre dans sa voix prouvait qu'il n'était pas loin de s'énerver, lui-aussi. – Tu vas te tirer comme une voleuse ? Une deuxième fois ?

— J'ai dit que je venais vous aider à sauver papa, point final, pas que je comptais réinvestir mes quartiers et vous tenir la porte pour pisser, cracha-t-elle.

— Tu es d'un égoïsme inimaginable, lui rétorqua son frère sur le même ton, une lueur incrédule dans les yeux. Tu n'as donc pas la moindre once de...

— Charlie, fous-lui la paix, coupa Nans.

L'interpellé se tourna vers lui, stupéfait – blessé.

— Pardon ?

— Même si ça me peine autant que toi, tu ne peux pas la forcer à rester avec nous si elle n'en a pas envie.

Judith leva les yeux au ciel.

— Oh, je t'en prie, Nans, ferme donc aussi ta grande bouche. Ne commence pas à me faire le coup du chantage affectif, sale petit cafard, je sais très bien comment ça fonctionne.

Nans haussa les sourcils avec perplexité, mais un bout de sourire chatouilla le coin de ses lèvres.

— T'es parano, démentit-il, sans fournir d'effort pour sonner convaincant.

— Mais pourquoi tu restes pas, Jude ? insista Nathan, figé par la surprise. La nuance dans son regard à lui était sincèrement blessée. – Je veux dire, pas toute ta vie, mais juste un peu... au moins jusqu'à Noël, par exemple. Ou est-ce que tu nous méprises à ce point ?

From Christmas with LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant