Ici.
— On est où, là ?
Le nez levé vers le dôme qui les surplombait, perdu dans les hauteurs intouchables du plafond, Victorine contempla cette immensité qui s'offrait à elle en essayant de refréner son vertige.
— Dans l'Atelier, mouflette, lui répondit Charlie, que l'habitude avait délesté de son admiration, pour ne laisser que le pas efficace et assuré de celui qui connaît les lieux.
— Pourquoi est-ce que c'est aussi grand ?
Son frère lui jeta un coup d'œil.
— On a vraiment besoin de revenir sur la mégalomanie de papa ?
— Je sais pas, il aurait pu y avoir une raison pratique derrière tout ça...
L'aîné prit un temps de réflexion.
— Il y en a sûrement une. Tu vois l'étoile, là-bas ?
Victorine suivit du regard la direction que lui pointait le jeune homme, à travers le jeu de replis et d'ouvertures que formaient les parois de la cavité. Loin là-bas, lorsqu'on possédait le bon angle de vue, on pouvait apercevoir les branches luisantes d'une gigantesque étoile en métal. L'adolescente fronça les sourcils.
— Qu'est-ce qu'il y a, en dessous ? s'enquit-elle.
— Un sapin, répondit simplement Charlie.
— Un quoi ?
La jeune fille tenta tant bien que mal de retenir sa surprise. Un sapin importé tout droit de Tchernobyl, alors, songea-t-elle. Si l'on estimait ses proportions à partir de celles de l'étoile métallique et de sa proximité avec le plafond de la caverne, le truc devait bien mesurer la taille d'un immeuble de cinq étages.
— Papa s'est fait construire un atelier qui fait la moitié de l'Arctique juste pour pouvoir y installer un putain de sapin géant ? arqua-t-elle un sourcil.
— Je ne suis pas sûr qu'il soit à l'origine de l'Atelier, ni du sapin, à vrai dire, avoua Charlie en haussant les épaules.
— Et ça ne t'intrigue pas plus que ça ?
Son aîné se contenta de hausser les épaules à nouveau. Il avait été comme elle, il y a bien longtemps : stupéfait par toutes les incongruités qu'il voyait, incapable de retenir ses questions. Et puis il avait pris l'habitude du Pôle et de ses absurdités permanentes, et il avait renoncé à énoncer des interrogations qui, il le savait pertinemment, resteraient éternellement sans réponse.
— Que serait Noël sans un sapin ? rétorqua-t-il à sa sœur avec un coin de rictus goguenard.
— Il est décoré et tout ?
— Évidemment. Tu nous prends pour des amateurs ?
— On pourra aller le voir ?
Charlie eut un sourire amusé face aux paillettes d'enthousiasme tout enfantin qui brillaient dans les yeux de sa sœur, même si celle-ci tentait de les dissimuler du haut de ses seize fières années. Toutefois, il retrouva rapidement son air grave. L'endroit avait beau sembler désert pour l'instant, la situation ne leur permettait pas de s'éparpiller.
— On va commencer par s'assurer qu'il n'y ait aucune ombre alentour, soupira-t-il.
Le rictus de Victorine disparut et elle acquiesça sobrement. Malgré lui, Charlie repensa à l'accrochage qu'ils avaient eu sur la Voie et ressentit une vague de culpabilité le submerger, à l'idée d'obliger sa petite sœur à subir ce genre de vie. D'être le responsable de l'extinction de son expression joyeuse et insouciante. Pour l'heure, ni l'un ni l'autre n'avait le choix.
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From Christmas with Love
Adventure1er décembre 2014, Pôle Nord. Le Père Noël a été enlevé. Bon gré mal gré, ses six enfants s'arment et se vêtissent pour se lancer sur ses traces, au cœur de la banquise glaciale, afin de secourir Santa et de le ramener à la maison avant la date fati...