Chapitre 12 - Toutes les étoiles du ciel

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7 décembre 2014, 9h12, sur la Voie.

Le cri se répercuta dans la passe, puis fut repris plus loin derrière eux, une fois, deux fois, trois fois, dans un chœur d'échos sinistres. Le petit groupe échangea un regard, songeant tous à la même chose : l'ombre qu'ils avaient laissé s'échapper rameutait ses congénères.

- Courez ! s'exclama Judith.

Ils prirent à peine le temps de se remettre sur leurs pieds - et de reprendre Nans sur son dos, dans le cas de Charlie - et détalèrent à tout berzingue dans le ventre de la Voie. Ils coururent longtemps, sans s'arrêter, de façon totalement désorganisée où leur seul but était d'éviter les obstacles rocheux qui se dressaient vicieusement sur leur chemin. Des épaules rencontrèrent des parois, parfois d'autres épaules, des pieds trébuchèrent mais ils continuèrent, filant avec toutes les dernières réserves d'énergie et de désespoir qu'ils parvinrent à trouver. Autour d'eux, impossible à localiser à cause de la réverbération créée par les falaises, des bruits de course et des cliquètements de griffes leur indiquaient que les ombres se rapprochaient.

- Par où est-ce qu'elles arrivent ?! lança Judith à Charlie, entredeux hoquets d'inspiration éclatée. Devant ou derrière ? Si c'est devant, on est en train de leur foncer droit dessus !

Sans cesser de courir, son frère écouta les grognements qui les poursuivaient et grandissaient dans le lointain.

- Derrière, finit-il par affirmer, le souffle court. Ils se rapprochent. Continuez.

Et les Claus firent ce qu'il leur était demandé, leurs jambes continuèrent de fonctionner, de façon presque automatique, leurs pieds de battre les pavés lisses et sombres de la Voie. Malgré toute leur volonté, leurs forces se consumaient progressivement. Ils commencèrent par ralentir ; leurs foulées devinrent moins larges, moins efficaces, puis le souffle leur manqua et bientôt ils ne posaient un pied devant l'autre plus que par miracle. Ils étaient déjà presque à l'arrêt, traînant leurs carcasses par l'énergie seule de leur détermination, lorsque Nathan s'écroula par terre, une main soutenant ses côtes récemment cicatrisées.

- J'en peux plus, s'échappa-t-il de ses lèvres en même temps que son souffle. Pardon.

- Debout ! lui jeta Charlie en faisant marche arrière pour revenir à son niveau.

Nathan tenta d'obéir - il tenta réellement -, mais ses jambes ne lui répondirent pas.

- Debout, ordonna à nouveau Charlie, en se baissant et en déposant Nans au sol pour soulever son cadet par le bras. Debout, Nathan, putain. C'est pas le moment de flancher.

- Ça sert à rien.

L'aîné se figea, brusquement, puis se tourna avec lenteur vers celui qui venait de parler. Adossé à la paroi, Nans soutint son regard sans ciller.

- Ça sert à rien, répéta-t-il. On ne pourra pas distancer les ombres, de toute façon. On ne sortira pas de cette gorge avant qu'elles ne nous rattrapent.

La stupéfaction étouffa les mots de Charlie, qui se contenta de dévisager son frère pendant un instant, incrédule. Finalement, ses traits se crispèrent et il cracha :

- Pardon ?

- Oh, arrête ton char, toussota Nans en levant les yeux au ciel avec un air blasé. Inutile de jouer les durs à cuire avec moi, Charlie. Rends-toi à l'évidence et fiche la paix à Nathan.

- Tu déconnes, Nans ? siffla son aîné en plissant les yeux. Tu te fous de ma gueule. On peut savoir ce que c'est que ce putain de défaitisme de mes deux ? Venant de toi, ça me sidère.

From Christmas with LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant