Chapitre 25 - Habit rouge

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23 décembre 2014, 11h19, New-York.

— Mon Dieu, ce qu'elle est belle. On dirait qu'elle a encore grandi.

Assise jambes croisées sur l'un des tabourets de son loft, Judith jeta un œil à sa fille qui parcourait les images cartonnées d'un petit livre pour enfant, au fond du salon. En face d'elle, Katherine gazouillait comme à son habitude les inepties niaises qu'elle lui servait à chaque fois qu'elle voyait sa fille : « comme elle a grandi », « ce qu'elle est intelligente », « elle a le sourire de sa mère »... Son amie savait se montrer effroyablement sagace, quand elle le voulait, mais dès lors qu'on la mettait en face d'un morveux, elle se transformait en véritable guimauve complètement gaga. Judith la laissait faire. Loin de l'ennuyer, les bêtises de Kath la faisaient sourire.

C'était à se demander pourquoi son amie n'était pas encore entourée d'une tripotée de chiards – « la carrière », prétendait la concernée, mais Judith avait compris qu'elle n'en avait simplement jamais ressenti ni l'envie ni le besoin.

— Et tu as enfin installé un sapin, remarqua Kath en avisant le petit conifère, habillé de trois pauvres décorations sous lequel jouait Sophie. Tout arrive ! Je croyais que tu ne te pliais pas à ces « stupides traditions »...

Son interlocutrice haussa les épaules et prit une gorgée du café brûlant qui reposait dans sa tasse.

— Tu aurais pu faire un effort, quand même. Je sais que tu n'as pas l'habitude, mais il ne ressemble vraiment à rien.

— Je t'emmerde, sourit Judith.

Son amie n'avait pas tort. Ce sapin rabougri n'était en rien digne de la fille du Père Noël.

— Qu'est-ce qu'a dit Austin ? demanda brusquement Katherine.

Typique de la grande blonde : poser des questions à brûle-pourpoint, changer de sujet sans aucune transition. Judith grimaça quand même, prise de court et ennuyée par le terrain sur lequel s'aventurait la discussion.

— Pas grand chose, informa-t-elle. Il m'a surtout regardé avec son air méprisant...

— Ce mec est un péteux et m'insupporte la plupart du temps, mais je dois avouer que pour le coup, il n'a pas tort. Trois semaines à abandonner ta fille sans le moindre signe de vie, Juliette ! s'exclama Kath devant l'air outré que lui servit son amie. Tu sais que tu as tout mon soutient mais quand même, c'était complètement irresponsable. Et tu ne veux même pas expliquer où tu étais !

— Je vous l'ai dit...

— Oui, oui, problème familial, balaya la jeune femme avec un petit geste de la main. Loin de moi l'idée de paraître insensible, ton père tombant malade était réellement une urgence, mais de là à ne pas donner une seule fois de tes nouvelles...

Judith haussa une nouvelle fois les épaules, sans plus répondre. De l'extérieur, on aurait pu croire qu'elle était vexée – Katherine appelait cela sa « mauvaise tête », et la brune ne pouvait que reconnaître qu'elle devait sembler extraordinairement têtue, à cet instant. Son excuse sonnait en effet un peu trop artificielle, et il était compréhensible qu'elle soit reçue avec autant de méfiance par son entourage, à qui elle n'avait jusque là jamais mentionné sa famille ou le moindre détail de son passé. Mais quelque chose lui disait que la vérité aurait été encore moins bien accueillie.

Devant son air buté, Kath soupira.

— C'est bon, n'en parlons plus, rendit-elle les armes. Mais ça ne va pas arranger tes relations avec ton ex-belle-famille.

— Pour ce que j'en ai à cirer...

Le carillon de la porte coupa Katherine dans sa réponse sarcastique. Fronçant les sourcils, les deux femmes se tournèrent vers l'entrée.

From Christmas with LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant