Chapitre 9

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La Lunard leva ses prunelles rouges, pensant voir un ciel étoilé dont la froideur semblait envahir les bois, mais elle tomba sur un épais feuillage. Le sentier tracé par les elfes était à peine visible au milieu de la nuit, mais ses dalles brillaient d'une étrange lueur. Argentée, on aurait dit que l'éclat de la Lune arrivait tout de même à traverser le manteau que formait les arbres de la Forêt Noire. 

Ce fut accompagnée du fils du roi que Gaviria s'engouffra dans ses ténèbres.

Leur pas était régulier, ils marchaient rapidement sans trop presser l'allure. Le pic solitaire n'était pas très loin du royaume de Thranduil. Entre les deux se dressait Lac-ville, ainsi que les ruines de Dale. Il leur fallait traverser la forêt, les plaines arides d'Erebor que la rôdeuse avait parcourue il y avait maintenant presque deux jours de cela, puis le lac. Celle-ci ne savait si ces derniers allaient le traverser, ou bien le contourner par les bois, observant de loin la ville flottante. Ce détour leur prendrait un temps fou pensa-t-elle, mais une Lunard et un elfe à bord d'un bateau attirerait que trop les regards. Si Gaviria se souvenait de l'histoire cuisante de Darian, cette dernière doutait que les gens de Lac-ville sachent encore à propos de sa race. Village relativement récent, éloigné de la civilisation et entourée d'une immense étendue d'eau perpétuellement gelée, les histoires de marcheurs blancs n'avaient pas du remonter jusqu'à leurs oreilles. Même les plus voyageurs n'étaient jamais allée plus loin que les monts brumeux, cette grande barrière qu'étaient les montagnes lorsque l'on va vers l'ouest. Peu dangereuse certes, mais assez impressionnantes pour dissuader d'imprudents pérégrins.

Une chouette ululait, accompagnant la marche des deux êtres magiques qui longeait la rivière. Bras du Celduin, la rivière de la forêt menait directement à Esgaroth. Ils n'avaient qu'à la suivre, et ils arriveraient face à la ville.

Des branches grinçaient au grès du vent, les feuilles frémissaient, l'air paraissait beaucoup moins lourd qu'auparavant. La fraîcheur de la nuit éventrait la forêt, faisant de temps à autre apparaître le ciel clair de la Terre du Milieu. Autour d'eux, seule la nature parlait dans son propre langage que la Lunard ne pouvait comprendre. Leur oreille était bercée par le ruissellement de l'eau, grandissant au fur à mesure qu'ils approchaient des plaines. 

Gaviria ne reconnaissait pas le chemin qu'elle avait emprunté la veille. L'endroit était plus rocheux, moins sec, et moins exposé. Celle-ci devina qu'ils arrivaient à l'orée de la forêt, lorsqu'elle aperçue la lueur de la Lune. Pâle, blanche, elle léchait la terre humide, assombrissait les buissons, puis faisait briller les rochers polit par le temps et les flots. Un étrange calme régnait dans cette nuit noire, un silence que la rôdeuse appréciait, bien différent de sa permière traversée la veille. L'éclat de l'astre faisait luire sa chevelure d'argent, cette dernière commençant à prendre des teintes grisées, ou même par moment, la couleur des rocs autour d'elle. L'elfe près de la jeune femme regardait du coin de l'oeil ce phénomène intriguant, dont ces ancêtres avaient tant écrits.

Les Lunards peuplaient les récits des batailles entre les elfes et cette race venue du Nord. Les écrits à leur sujet se faisaient de plus en plus rares : certains papiers brûlaient dans des châteaux assiégés, le reste se perdait au milieu de tant d'autres manuscrits. Legolas se souvenait d'un général elfe dont la plume les décrivait comme des êtres noirs, sans âmes. De simples et pourtant monstrueuses carcasses de marbre sillonnant les terres les plus stériles. Il les dépeignaient comme des créatures faisant parties des plus dangereuses que ce monde ai jamais connu. Néanmoins, le haut gradé les avait trouvé formidablement magnifiques. Hommes et femmes à la peau blanche, solides, des yeux brillants dans le noir d'une lueur indescriptible. Un visage taillé sans les imperfections amenées par la mortalité, semblable aux pierres opalines qui ornent Minas Tirith, et une chevelure hors du commun. Elle reflétait, disait-on, à la seule lueur de la Lune, un panel de gris, de blanc et d'argenté fabuleux. Des crains enchantés, que les Hommes pouvaient facilement leur envier. Le fils du roi observait donc la crinière d'argent de Gaviria, repensant à ces dits écrits.

La Rôdeuse Du Nord : messagère de l'ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant