La Rôdeuse Du Nord : messagère de l'ombre

Chapitre 15

Gaviria, qui n'avait pas vu l'ombre de l'Arkenstone dans toutes ces salles passées au peigne fin par ses soins, commençait à s'interroger sur l'existence même de cette pierre. Même si elle n'avait pas plongé dans toute la montagne, elle en avait fait assez pour deviner l'absence du joyau après lequel tout le monde courrait. La Lunard avait trouvé les gemmes de Lasgalen, elles étaient enfin en sa possession après de longues recherches laborieuses. La pierre du roi nain quant à elle, semblait perdue à jamais.

Après avoir écumé les forges, la Lunard avait visité d'autres étages, tout en veillant à ne croiser personne. 

Elle observait les ombres aux coins des couloirs, restait dans les ténèbres, parfois chassées par quelques torches. Elle pouvait entendre aux étages supérieurs et inférieurs des éclats de voix, des bruits de pas lourds, retentissant le long de la paroi. Et à contrario, la montagne devenait étrangement silencieuse par moment. Pas une âme semblait y vivre. Les animaux n'y avaient pas fait leurs nids, les insectes se cachaient probablement dans des cavernes plus humides que celles-ci. La roche ne craquait pas. Le mobilier ne bruissait pas. Les pieds de la Lunard glissaient sur le sol comme de douces ondes sur un lac tranquille. 

Gaviria, finit par revenir dans le hall de la montagne, et remarqua qu'il commençait à faire nuit. Elle venait de passer toute la journée dans ces cavernes, sans s'en rendre compte. Le temps passait vite. Celle-ci se mit à penser aux paroles de Legolas, lui indiquant de le retrouver à Dale le plus tôt possible. Était-il déjà de retour ? L'attendait-il aux ruines ? La Lunard n'en savait rien. Ses dires s'étaient avérés plus que vague.

La marcheuse se mouvait près des colonnes, observant les dernières lueurs du jour raser les murs, lécher de ses rayons chauds et brûlants la pierre brûlée. Un panel d'orange et de rouge envahissait la salle, un rayon vertical perçait toute la grande salle. Gaviria, qui était à l'ombre d'une pierre, entendit le cliquetis d'une ceinture. De lourdes chaussures, claquant sur le sol à intervalle de temps régulier. 

La jeune femme eut à peine le temps de se coller contre la colonne près d'elle qu'une ribambelle de nain s'avançait au cœur de la salle. Ils étaient plus qu'elle ne le pensait. Une bonne douzaine se dirigeait vers les escaliers menant aux remparts. Un nain brun menait le cortège, affublé de qui semblait être une couronne. La Lunard ne prit pas le risque d'émerger du noir, et se contenta de les observer de dos. Tous allaient au pas de course, montait les marches quatre à quatre, et disparaissait chacun leur tour dans des arcs de pierres surélevés, menant sans doute au chemin de ronde.

De là où elle se trouvait, elle ne pouvait entendre quoi que ce soit, le vent emportant leurs mots vers les terres. Cependant, tous se tenaient penchés vers le vide, observant de l'autre côté de la muraille qu'ils semblaient avoir dressée dans la journée. 

Alors que Gaviria les observait un à un, elle revit le petit homme. Trapu, mais pas autant que les nains. Une chevelure brune frôlant le roux par endroit, et surtout, pieds nus. Un éclair traversa l'esprit de la Lunard, lorsqu'elle comprit qu'il s'agissait d'un hobbit. Un semi-homme de la Contée, ici, dans l'ancien royaume d'Erebor. La rôdeuse plissa les yeux, essayant de mieux voir l'intéressé, mais les rayons rasants l'aveuglaient. Elle se recula plus à l'ombre dans la colonne lorsque les nains descendirent au bout de quelque minutes.

Elle vit le nain brun et couronné s'avancer vers la muraille. Elle remarqua une petite fente dans la roche, assez grande pour laisser y voir un visage, mais bien trop petite pour y passer. La voix grave et rocailleuse du roi lui parvint, tandis que les autres nains semblaient écouter avec nervosité la conversation qui avait lieu. Elle entendait le nain et un homme discuter, de trésors, de pièces, de compensation et de paroles apparemment brisées. La jeune femme comprit rapidement que tout Esgaroth venait de se réfugier à Dale, n'ayant nulle part où aller, implorant le roi sous la montagne de son aide.