Chapitre 10

957 67 8
                                    

Les deux êtres dirigèrent leur regard vers Esgaroth. Elle se tenait devant eux, silencieuse, toutes les lumières éteintes. Leurs ouïes guettaient le moindre bruit, le moindre bruissement de feuilles. Le cri semblait provenir du lac, non loin d'eux. Cependant, celui-ci s'était évanouis tel un fantôme au milieu des eaux gelées. Gaviria n'eut pas besoin de poser la question à l'elfe pour savoir de quoi il en ressortait. Ce n'était pas un animal, ni un humain.Quelque chose d'autre que la Lunard n'avait point aperçu depuis plusieurs années. S'il s'agissait bien ce qu'elle pensait, les habitants de Long-Lac n'en avaient pas pour très longtemps. La garde de sa majesté ne saurait que faire face aux assassins qui menaçait le village.

- Il nous faut trouver une embarcation, et vite, claqua la voix de l'elfe blond.

Ce dernier se leva avec précipitation, suivit de près par la jeune femme, laissant derrière eux les flammes crépitantes du brasier. 

Ils firent tout deux marche arrière, rebroussèrent le chemin jusqu'à atteindre un ponton de bois qu'ils avaient croisé en longeant la rivière. Celui-ci se trouvait à l'orée de la forêt, là où le cours d'eau se jetait dans le lac. Il tenait de façon bancale sur quatre piliers de chêne, attachés par plusieurs cordes, depuis longtemps abîmées par les flots. Sur lui était amarré une petite barque aux lattes rapiécées ainsi qu'au fer rongé par la rouille. Une petite pensée s'inséra dans l'esprit de la rôdeuse, celle-ci se demandant s'il ne valait pas mieux y aller à la nage. Mais à la vue des eaux sombres et sinueuses se présentant devant elle, Gaviria chassa vite cette idée et aida Legolas à mettre les rames. Si cela ne tenait qu'à elle, la Lunard se serait sauvée en direction de Dale, et aurait fouillé de fond en comble la montagne. Plus vite elle trouverait ces maudites gemmes, plus vite elle sera sortie de cette affaire. Alors pourquoi diable l'elfe voulait-il se rendre à Esgaroth ? Sans compter que si le cri correspondait bien à ce qu'elle pensait, s'enfuir restait la meilleure option.

L'homme à la chevelure dorée sauta dans leur piètre navire, qui vacilla à peine sous les pieds légers de l'elfe, et observa son compagnon de voyage, immobile.

- Et bien ? Qu'attendez-vous ?

- Pourquoi allons-nous à Esgaroth ? Demanda la Lunard. Il me semble qu'il nous faut aller à la montagne, non pas sur le lac.

- Il y a plus urgent à faire, la cité va faire face à une attaque, répondit-il.

Gaviria soupira, avant de jeter un coup d'oeil presque mauvais à la ville flottante. Il était hors de question que celle-ci mette en péril la liberté de la Lunard. Elle n'avait qu'un seul objectif, seul l'atteindre lui importait. Le sort des quelques habitants ne l'émouvait guère. La jeune femme croisa alors les bras, et adressa un regard impassible au blond.

- Je ne bougerai pas. Je dois récupérer les gemmes de Lasgalen, et les remettre à votre père. Aller à Esgaroth ne fait pas parti de mes engagements.

- Que suggérez-vous donc ?

- Laissez-moi ici, proposa la jeune femme.

Son interlocuteur reposa les pagaies, et plongea ses orbes bleues dans celles de la Lunard. Il n'y pouvait rien y déceler : pas de colère, pas de compassion, d'agacement ou bien de sérénité. Ses yeux de braises étaient insondables, inexpressifs. La description du Général n'avait pas exagéré, rien ne brillait au fond de ses prunelles. Le fils du roi pensait la faire changer d'avis en lui expliquant le danger imminent. Toutefois, la froideur que dégageait Gaviria à l'instar de ses gens l'en dissuada. Elle n'en aurait cure.

- Je ne peux faire cela, répondit l'elfe d'une voix étonnement calme.

- Pourquoi ?

- Qui sait ce que vous pourriez faire en mon absence. Vous pourriez vous enfuir, vous défaire de vos obligations.

La Rôdeuse Du Nord : messagère de l'ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant