Chapitre 24 - Dépression et crémaillère

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Chapitre 24 – Dépression et crémaillère

La nuit était tombée depuis de longues heures, distillant quelques reflets d'argent, distribués discrètement par la lune. Allongée dans l'herbe près de Daryl, je contemplais le ciel dénué d'étoiles. Celle que j'avais été nous avait quitté, rejoignant ma sœur, quelque part entre ce monde et les limbes. Les grognements des quelques rôdeurs qui se pressaient contre l'enceinte de la prison apaisaient étrangement les battements saccadés de mon cœur en miettes.

Je tournai la tête vers mon compagnon, pour m'égarer dans la contemplation de ses prunelles bleues.

Un bras sous sa tête, une main reposant sur son ventre, une expression indéchiffrable sur ses traits étonnement sereins, le chasseur par sa simple présence, me troublait. Plus qu'il ne pouvait l'imaginer.

Nous restâmes comme ça. Immobiles et silencieux, perdus dans les yeux l'un de l'autre. Pas de mots. Pas de sourires. Juste un échange invisible, inaudible. C'était comme ça avec Daryl. Parce que c'était nous, parce que la vie nous avait abîmé, nous n'avions pas besoin de déclaration, pas besoin de preuve. Tout était là. Dans nos respirations simultanées, dans l'expression de nos regards, dans notre mutisme.

Quelques gouttes commencèrent à tomber, nous ramenant lentement sur Terre.

- On devrait rentrer, marmonna l'archer en se levant, alors que l'orage s'intensifiait.

J'acquiesçai, me redressant péniblement lorsqu'il me souleva dans ses bras. Nos lèvres se trouvèrent avec tendresse à mesure que le ciel déversait sa détresse sur nous. Je ne pus m'empêcher de sourire contre sa bouche, heureuse, malgré les circonstances. Ma blessure guérirait. Mon cœur guérirait. Parce qu'il était là.

La salle commune s'était vidée de ses occupants lorsque nous arrivâmes. A en juger par le silence qui régnait dans le bâtiment bétonné, nos amis avaient rejoint leurs cellules respectives. Avec un haussement de sourcils amusé, je m'interrogeai vaguement sur l'état de leurs lits déchiquetés par Merle dans l'après-midi.

Ma tête reposant contre l'épaule de l'archer, nous traversâmes le couloir du rez de chaussée plongé dans l'obscurité. Trempée des pieds à la tête, je grelottais, lorsque nous arrivâmes à l'étage. Daryl me déposa sur le matelas du bas et passa une main dans mes cheveux ruisselant de pluie avant de m'embrasser sur le front.

- J'vais te chercher d'autres fringues, tu vas attraper la mort si tu restes comme ça, dit-il avant s'éclipser.

J'attrapai l'élastique accroché à mon poignet pour remonter mes boucles brunes. La douleur dans mon dos s'était assoupie. Les antalgiques avaient décidé de faire enfin leur travail, ce dont je leur étais particulièrement reconnaissante. J'étirai mes bras au dessus de moi en fermant les yeux, l'esprit plus relâché qu'il ne l'avait été ces derniers jours.

- Tiens, déclara l'archer en revenant avec mon sac.

Je trouvai un débardeur ample blanc qui avait connu des jours meilleurs et un jean tout aussi déchiré que celui que je portais. Dans la pénombre faiblement éclairée par l'éclat de l'astre nocturne, Daryl s'agenouilla face à moi et m'aida à me débarrasser de mon t-shirt trempé. Ses prunelles s'arrêtèrent une seconde sur la cicatrice que je portais à l'épaule avant de retrouver mes iris. Le silence, à nouveau.

- Merci, murmurai-je.

Devant son air interrogateur, je souris.

- Pour ce que tu as fait aujourd'hui.

- C'était rien.

- C'était pas rien, rectifiai-je. C'était important pour moi.

- J'me disais que, hésita-t-il, tu pourrais p'têtre...tu sais ? T'installer...ici ?

Breathe me [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant