Alter Ego, Nuits Surnaturelles Tome 1

Chapitre 6

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A moitié cachée entre les corps de Ray et de son père, la jeune femme pouvait néanmoins sentir le sang et une autre odeur sucrée émaner des corps sur le sol. "La mort" lui signala son alter ego. Becca sentait la tension et la tristesse dans toute la pièce maintenant remplie de loup-garous. Pour une raison inexplicable, elle se sentit peinée et désolée pour eux. Pour les loups dont les cadavres gisaient à terre mais aussi pour les loups dont les cœurs blessés étaient si facilement perceptibles pour elle. Étrange comme de parfaits étrangers pouvaient la toucher à ce point.

Cela ne faisait que quelques minutes que le silence s'était installé dans le salon lorsqu'un loup leva la tête et huma l'air, discrètement. Il balaya la pièce avec attention puis s'arrêta sur elle. Il la fixa perplexe, un instant. Elle eut le temps de voir de l'étonnement mêlé à de la curiosité dans ses yeux avant qu'il ne les baisse, comme si, pour une raison inconnue, il ne pouvait soutenir son regard. Il cogna doucement de son coude les côtes de son voisin le plus proche qui leva la tête à son tour. Même schéma, même reniflement de l'air, même contact visuel avorté après quelques instants, même signalement au voisin. Certains sentirent tout seuls que quelque chose se déroulait dans la pièce mais le manège des loup-garous fut le même jusqu'à ce que chaque homme ait pleinement conscience de sa présence ici. Elle ne voyait pas les visages de son père et de Ray mais les épaules tendus des deux hommes n'avaient, elle en était sure et sans en comprendre la raison, rien à voir avec les trois corps sur le sol. Son père se racla la gorge et observa ses loup-garous. Tous avaient, au son de sa voix levé les yeux mais aucun ne le regardait directement dans les siens.

"Allons enterrer nos amis. Puis nous nous réunirons ici. Des choses doivent être dites."

A ses mots, tous les loups sortirent de la pièce, certains en portant les corps, d'autres en lançant des regards curieux ou anxieux dans sa direction.

Lorsqu'ils furent tous partis depuis un moment, sûrement suffisamment pour ne plus être à portée de voix, ou plutôt d'oreilles de loups, son père se tourna vers elle.

"Reste là petite, je reviens dans un moment.

-Non.

-Pardon ? S'étonna l'alpha, peu habitué à être contredit.

-Non, je viens aussi.

-Becca, c'est une affaire concernant la meute, expliqua Ray.

-Justement ! Si je doit faire partie de la meute, si cette meute doit devenir la mienne, je ne les laisserai pas lorsqu'ils souffrent et qu'ils ont besoin de moi."

Son père la regarda en silence. Un bon moment passa. Elle pouvait deviner qu'il bataillait entre son désir de la tenir à l'écart de tout ça, pour une raison qu'elle ignorait, et la logique de sa requête. "Viens" céda-t-il enfin.

Il sortit lentement de la maison, suivi de Ray puis de Becca et se dirigea solennellement dans le fond du jardin, en contournant la vieille bâtisse. La jeune femme les accompagna en silence, dans l'obscurité. Le jardin était un grand terrain entretenu mais pas garni. Le mur d'enceinte l'entourant était haut et bordé de grands arbres un peu partout sur sa longueur mais le reste du jardin n'était parcouru que de pelouse coupée ras, sans une fleur ou un buisson pour l'égayer.