Chapitre 6.2

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Emma, tu ne partira pas d'ici.

*

Il continue de parler inexorablement sans s'arrêter, comme s'il avait ce besoin de parler pour se calmer.

« -Tu ne partira pas d'ici, parce que tu es spéciale ! Ton père est le dernier enfant de cette expérience, et celui où ça a été le plus fructueux. Tu es appelée depuis ta naissance à devenir quelqu'un de spécial. Sans l'accident de Lucas, nous n'aurions jamais su la manière de déclencher ce gène. Mais tu as tout fait toute seule, quelle autonomie !

-Attendez, vous avez déclenché sa mort !?»

C'est Lucas qui a pris la parole, et je le remercie, je suis incapable de parler. Il m'a dit tout à l'heure, que j'avais toujours été surveillé. Alors pourquoi l'institut ne m'avait pas empêché de continuer mon addiction ? Maintenant je sais, ils n'attendaient que ma mort, pour que leur putain d'expérience ait des résultats.

Pendant que la conclusion s'impose dans mon esprit, Lucas et Monsieur Haraud se regarde avec hargne. Lucas est un sombre inconnu, qui est en train de défier sa direction pour moi.

Monsieur Haraud grogne, et reprend la parole, en soignant tous ses mots.

«- Nous n'avons pas déclenché sa mort, Lucas. Nous avons juste fermé les yeux sur sa consommation excessive de drogue. Mais son père et sa mère nous avaient donné leurs autorisations donc...

-Pardon !? Vous vous foutez de ma gueule ? Mes parents ne m'aiment pas, d'accord. Mais aucuns géniteurs ne souhaiteraient la mort de son enfant. Et si je ne m'étais pas réveillée !? Mais vous êtes complètement con ou quoi ?!»

Je prends une grande respiration pour essayer de calmer les battements affolés de mon cœur. Je n'arrive pas à y croire, mes parents savaient. Et ils ont délibérément choisi d'oublier. J'ai l'impression que toute ma vie n'a été qu'un mensonge. Et si, je n'avais pas commencé la drogue, ils m'auraient jetée d'un pont ? Ou injectée une dose mortelle de cyanure ? J'ai besoin de sortir d'ici. Je ne peux plus voir sa tête de psychopathe. Je me sens misérable à me sentir trahie. Je savais depuis le début que mes parents n'étaient que mes géniteurs, rien de plus.

Ma voix est faible quand je murmure le prénom de Lucas. Ici, il est le seul à pouvoir m'aider.

Je sens ses bras entourer mon corps qui tremble.

Je suis en état de choc.

Mes parents voulaient me voir morte.

«-Lucas, amène la voir Docteur Édouard. Demande-lui de lui faire la série de test 2. Explique-lui qu'il a l'autorisation de lui dire pourquoi elle était au bloc tout à l'heure. Et... dis-lui de faire attention à ses mots, d'être doux, elle est fragile.»

Pourquoi a-il pris ce ton bienveillant ? Pourquoi veut-il qu'on soit doux avec moi ? Ça n'a pas de sens.

Lucas me fait sortir de la pièce, et me guide à travers les couloirs. Je ne fais pas attention où il m'emmène.

Mes parents voulaient me voir morte.

Cette phrase tourne en boucle dans mon esprit.

Ils voulaient que je meure.

Je regarde dans le vide. Je sens la chaleur du corps de Lucas, qui ne veut pas me lâcher. On dirait qu'il s'est pris de pitié pour la petite nouvelle effrayée. Je suis pitoyable, seule et apeurée.

Je ne peux pas être forte quand des choses comme celle-là m'arrivent. Personne ne le peut.

Lucas à l'air de s'y être habitué. J'aimerai avoir son aise.

On arrive dans un grand bureau, qui doit servir à un médecin. Un petit chevalet, de couleur cuivre, qui trône sur l'immense bureau impeccablement rangé, m'annonce le nom de l'occupant du siège : Docteur Édouard.

C'est un grand homme, plutôt jeune, aux cheveux blonds. Des fines mains aux longs doigts sont posées sur les accoudoirs de l'imposant siège en cuir brun. Il affiche un sourire réconfortant. Je me sens mieux. Lucas m'assoit sur une chaise en tissu clair.

«-Salut Miss, comment tu t'appelles ?»

Il doit le savoir, je reconnais son regard noisette, il était dans la salle de chirurgie plus tôt dans la journée. Je le remercie d'avoir posé la question, ça me permet de sentir que je reprends un peu le contrôle du déroulement. Après avoir dit mon prénom, je regarde tout autour de moi.

Les murs ne sont pas blancs, ce qui doit jouer sur le fait que je ne me sens pas mal à l'aise. Les couleurs alternent entre du bleu pastel et le gris clair. Derrière le bureau se trouve une grande fenêtre, qui donne sur la même forêt que dans le bureau de Monsieur Haraud. Le soleil est en train de descendre dans le ciel. Il doit être environ 18 heures. J'ai fait mon overdose en mai, je suppose qu'on est donc en mai de l'année suivante.

Que s'est-il passé en 1 an ? Il y a peut-être eu une guerre ? Qu'est-il arrivé à mes parents ? Où sont-ils ? Comment vont-ils ?

Pourquoi je m'en soucie ? Ils ont souhaités ma mort !

«- Déjà, Lucas, peux-tu aller voir ailleurs le temps que je parle à la jolie demoiselle en détresse ?»

Lucas n'a pas l'air gêné ou vexé, il affiche un petit sourire et sort en grognant faussement qu'il est toujours exclu des trucs intéressants.

Je crois que je ne suis pas la seule à être à l'aise avec Docteur Édouard. Cet homme respire la bonté et la bienveillance. On se sent directement en confiance. C'est fascinant.

«-Pourquoi j'étais dans une salle de chirurgie ?»

Je demande frontalement, mon instinct me dit que je peux lui faire confiance.

«On commence fort jeune fille. (Il rit doucement, son rire est tellement contagieux que je me mets à évacuer toute ma nervosité en riant un bon coup.) Allons, allons. Comment veux-tu que je te réponde si tu ris tout le temps ?

-Désolée, c'était pas contrôlé !

-Je le sais, ne t'inquiète pas. Tu es complètement libre dans ce bureau, tant que j'y serais ! Pour répondre à ta question, je vais essayer de faire bref mais ce n'est pas trop mon fort. Alors, alors : Quand tu t'es réveillée, tu étais agitée. L'infirmière Martha t'a injecté un calmant, qui normalement aurait dû plonger un cheval dans le coma ! Mais toi, ma petite, ton organisme a envoyé le produit se faire foutre ! Et ça c'est super cool ! Je m'égare désolé ... Après, hop t'as filé dans le hall. Et pouf, crise d'angoisse. Le problème c'est qu'en tombant, t'as subi un choc crânien plutôt important. Tu avais une hémorragie cérébrale. Comme le protocole l'indique, on t'a plongé dans un coma artificiel pour diminuer le besoin d'oxygène de ton cerveau. La pression dans ta boîte crânienne ne diminuait pas, alors l'équipe médicale et moi-même, avions pris la décision de procéder à un drainage du sang. Pour évacuer, le sang qui faisait pression sur ton cerveau. Au moment où on allait commencer, tu as ouvert les yeux. Nous avons tous été complètement choqué. Disons, que absolument personne ne peut se réveillé d'une anesthésie aussi puissante. T'as tout compris ?

-Euh oui... C'est plutôt déroutant... Mais pourquoi maintenant je vais bien alors ?

-C'est ce que je vais essayer de découvrir en faisant quelques test, ok ?

-Ok...

-Ne t'inquiète pas tout va bien se passer. »

Quand la vie dit non, la mort prend le relaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant