Pourquoi il se fout de moi ? Je crois bien que je ne l'aime pas.
Je ne comprends pas, je ne comprends plus rien. Pourquoi ce mec, que je ne connais absolument pas se moque de moi ? Pourquoi il a l'air déçu ? Déçu de quoi d'ailleurs ? De moi ? Pourquoi ? Et pourquoi je suis là ? Qu'est qu'il me veut ? Pourquoi ça m'arrive à moi ce bordel ? Pourquoi je suis pas restée une enfant sage ? Pourquoi j'ai pris cette putain de dose ? Pourquoi j'ai demandé à ce mec louche de vendre de la drogue à une enfant des hauts quartiers comme je l'étais ? Pourquoi j'ai détruit mes rêves, seule ? Pourquoi je me suis infligée ça ? Comment j'ai atterri ici ? Et puis, c'est où, "ici" ? Je suis où ? J'ai tellement de questions dans la tête, tellement envie de gueuler, de frapper dans quelque chose ou quelqu'un. J'ai envie de crier sur mes parents, de leur demander pourquoi ils n'ont rien vu, pourquoi ils sont restés travailler ce soir-là, où j'ai abandonné, où mon corps m'a abandonnée, où la vie m'a abandonnée.
Je le regarde, lui, cet inconnu méprisant. Il a des yeux bleus, sombres comme un orage sur l'océan. Sa peau est blanche, quoique légèrement bronzée. Ses traits sont durs, sévères, comme s'il ne riait jamais. Il doit avoir dans les environs de la vingtaine. Même s'il ressemble à un enfant qui a dût grandir trop vite. Il porte un collier, une fine chaîne dorée, avec un pendentif. C'est une simple pierre transparente, le support est un peu abîmé. C'est plutôt féminin, assez étrange sur un garçon comme ça. Il est athlétique, voir carrément musclé. Et je peux vous jurer, que quand un homme vous fixe avec autant de colère, comme celui qui me fixe actuellement, vous commencez légèrement à avoir peur. Mais, au point où j'en suis, je suis lassée d'avoir peur. J'ai vécu, bien assez de choses pour mon jeune âge. Alors, c'est vrai, qu'à dix-sept ans, on doit s'éclater, faire honneur à notre âge : presque majeur, encore jeune, encore protégé.
Il est grand, je dirai dans les 1,85m, peut-être plus. Il me regarde toujours, avec colère, déception, et une pointe de nostalgie, je crois. J'ai toujours eu un certain talent pour décrypter les gens grâce à leurs regards. C'est bien utile, quand on veut vite savoir si une personne veut oui ou non, vous portez préjudice. Et là, je pencherai plus sur un oui retenu. Le silence flotte dans la pièce, comme un espèce de voile blanc, qui me laisse penser autant que je veux. Il doit sûrement attendre une réponse. Mais qu'est-ce-que je peux lui dire ? Lui poser toutes mes questions ? Lui demander pourquoi il est agressif ? J'en sais rien, et puis pour ne rien vous cachez, je suis plutôt nulle, niveau contact humain. J'ai jamais eu vraiment d'amis, vous connaissez déjà mon avis sur la race humaine et sa grande capacité de blesser et de critiquer. Je ne me suis jamais entendue avec les gens de mon âge, souvent trop immatures, trop préoccupés par leurs conneries de vie. Alors, là, maintenant, tout de suite, je ne sais pas quoi dire. D'habitude, j'aurai sûrement sorti une réplique cinglante dans le but de le faire fuir. Mais, ce n'est pas "d'habitude". Je ne sais ni où je suis, ni pourquoi, ni qui il est. Il est, peut-être tueur en série, ou pilier de la mafia. J'en sais rien, alors je vais pas faire la maline. Même si je meurs d'envie de l'insulter copieusement.
Je pourrais me présenter, dire bonjour tout simplement, et puis si je peux poser quelques questions au passage. C'est ce que font les gens civilisés, non ? Je tourne les mots dans ma tête, prépare mon petit discours, et je me lance.
"Bonjour, je m'appelle Emma, mais vous semblez déjà le savoir. Je voudrais savoir où je suis, pourquoi je le suis, qui vous êtes, et pourquoi vous paraissez ne pas me supporter." Ma voix est plutôt solide, je suis fière de moi. C'était bien, correct, ni agressif, ni soumis. C'était des bons premiers mots. Il me fixe, et le coin de ses lèvres se lève en un sourire moqueur et surpris.
"Je n'aurais pas imaginé que vous oseriez adresser la parole à quiconque avant plusieurs jours. Alors, dans l'ordre : oui, je le sais déjà, comme beaucoup d'autres choses sur votre personne. Vous êtes dans l'aile sud du bâtiment, au premier étage. C'est l'étage de ceux qui doivent se réveiller. Nous nous trouvons dans la maison de Monsieur Haraud. Vous êtes ici, parce que vous avez fait une overdose. Vous êtes ici, parce que vous êtes légèrement différente du commun des mortels. Moi, j'ai été victime d'un accident de voiture quand j'avais 14 ans. J'en ai actuellement 17. Je ne suis personne, un simple humain. Et ce n'est pas qu'une façade, je ne vous supporte vraiment pas. Ce n'est pas vraiment votre faute. J'ai juste été bercé avec des légendes et des fables sur vous. Alors je suis déçu, et plutôt amusé. Vous auriez dû voir leurs têtes quand ils sont venus vous chercher dans votre cuisine. Une overdose, ça équivaut à un suicide. Alors oui, c'est pitoyable. Et oui, je ne vous supporte pas. Certains n'ont pas le choix de la vie ou de la mort. Et vous, vous vous êtes jetée dans les bras de Thanatos. Délibérément. Ça me dégoûte. Tu me dégoûtes.»
Outch, ça fait mal.
Ok, je sais, j'ai fait des conneries. Mais il n'était pas obligé d'y aller aussi violent...
Bon, de toute façon va falloir faire avec. Je décide d ne pas répondre, de d'abord tourner toutes les informations dans ma tête.
Alors, en premier, qui est Monsieur Haraud ? Et pourquoi il a dit " ceux qui doivent se réveiller" et pas tout simplement "salle de réveil" ?
Deuxièmement, pourquoi est-ce qu'il a dit que j'étais différente ? En quoi je serais différente ? Et pourquoi il est là aussi ? On est là, car on a failli crever ? Génial, au moins on a un point commun. Je suis vraiment heureuse ! Non, mais la blague ! Ce mec est exécrable.
Troisièmement, il ne m'a même pas dit son prénom. Et pourquoi a t-il insisté sur le mot "humain" ? Des contes et des fables, sérieusement ? Pour empêcher les enfants de se droguer, sous peine de ressembler à la vilaine Emma ?
Quatrièmement, on ne va pas en parler... Oui, ça m'a blessé. Et oui, j'ai encore plus envie de l'insulter. Non, mais pour qui il se prend à me dire ça !? J'ai morflé par ma faute, je sais. Pas besoin de me rabaisser, je le fait déjà moi-même avec ma conscience ! Je suis quelque peu énervée. Pourquoi est-il aussi blessant ?
Dans quoi j'ai atterri moi encore ?
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Quand la vie dit non, la mort prend le relais
PertualanganEmma est une jeune fille de 17 ans qui a abandonné son rôle d'enfant sage et parfaite, pour le monde de la drogue et de l'adrénaline. Même ses parents, deux acharnés du travail, ne voient pas qu'elle n'est plus cette enfant à l'image idyllique. Tes...