Chapitre 11.1

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Je m'avance vers lui, lui tend ma main droite pour qu'il y dépose l'arme, et me dirige vers la sortie sans dire un seul mot. Je n'ai pas besoin de faire du bruit, les Normaux applaudissent et crient. Je veux régler ça le plus vite possible.

*

Je passe la porte coupe-feu du réfectoire sous les encouragements et la joie de la foule. Je sens le regard lourd de Lucas sur mes épaules. Alors que je me retourne pour voir l'expression qui orne son visage, il aborde une expression d'un sang-froid sans pareil. Comme si l situation ne l'importait absolument pas, et que seules ses pensées avaient de l'importance. J'aurais apprécié un sourire, ou même de le voir crier des encouragements comme tous les autres.

Cette vision me perturbe, je croyais avoir trouvé en Lucas un allié. Son flegme naturel est plus que déstabilisant, je dois dire. Je suis un peu près sûre, qu'un mur de brique pourrait avoir plus d'expression que lui à cet instant. Il y a plusieurs dizaines de secondes, je voyais encore ses sourcils se froncer quand  mon nom avait été prononcé pour le défi.

Je me retourne enfin, et continue à marcher à travers les Normaux qui sont entassés dans le couloir jouxtant la salle à manger commune. Certains me regardent comme si j'étais une bête curieuse, et d'autres avec envie.

Je me demande comment tous ces jeunes gens intelligents et sûrs d'eux ont bien pu faire pour se retrouver dans ses murs. Et pourquoi ils ont accepté... Peut-être n'avaient-ils pas eu le choix. C'était peut-être des mineurs en difficulté, aidé par le saint Institut. Histoire d'améliorer l'image de la marque, comme on dit.

Me voilà dans le grand hall. La pièce est anormalement vide, elle qui est toujours traversée par des gens plus ou moins pressés.

Je me souviens de la surprise que j'avais ressentie quand j'avais vu pour la première fois cette pièce. Tous ces yeux qui m'avaient analysée. C'était à ce moment que j'avais expérimenté le pouvoir de Catherine, et ma propre particularité en passant. Les souvenirs avaient défilé comme un film au cinéma quand elle m'avait touchée.

On m'avait ensuite préparée pour être opérer d'un traumatisme crânien, dont j'avais guéri.

Cela me paraissait tellement lointain. Je sais que ça fait moins d'une semaine, mais j'ai l'impression que plusieurs mois se sont écoulés. J'ai découvert tellement de choses, je crois avoir un peu apaisé le flot de question que j'avais ce jour-là.

Et puis, je dois bien avouer que la douleur des premières minutes n'est pas son meilleur souvenir.

Je me dirige d'un pas lent vers le couloir que j'avais emprunté ce jour-là. Je pousse la porte d'un vert criard en mettant mon poids dessus. Les murs sont toujours d'un blanc laiteux, et le silence règne. Un silence angoissant et lourd, comme opaque. Mes pas et ma respiration sont les seuls bruits qui se répercutent contre le plâtre.

Les chambres se succèdent jusqu'à celle de mon premier jour.

J'abaisse la porte doucement, et pénètre dans cette chambre stérile qui m'avait tant effrayée. Le lit a disparu, il ne reste que le bureau et la fenêtre au rideau d'un blanc presque familier. Je m'assois sur la chaise, cette même chaise que Lucas avait bougé pour m'expliquer ce que j'allais développer.

J'aimerais retrouver ma vie d'avant. Quand mes parents ne m'avaient pas poussée vers la mort. Quand je n'avais aucuns pouvoirs de rat de laboratoire. Quand j'étais seule face à moi-même. Seule décisionnaire de mes actions.

Je passe la paume de ma main sur la surface du bureau. Le bois poncé glisse sous mes doigts. Je sens sa rugosité abîmée ma peau.

Le tiroir contient un bloc-notes à la couverture unie et noire. Quelques stylos siègent à côté dans la poussière. Ce bureau ne doit pas être très utilisé. Je prends le bloc-notes et le pose sur le plateau du bureau. Je choisis un stylo noir dans le tiroir.

Quand la vie dit non, la mort prend le relaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant