Chapitre 7.1

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J'espère que demain sera plus simple.

*

Manger me fait un bien fou. Le goût des aliments ravissent mes papilles. Les pâtisseries sont exquises et le jus de fruit coule dans ma gorge en laissant sa traînée sucrée et apaisante.
Je suis seulement concentrée sur la nourriture que j'ingurgite. J'ai l'impression de n'avoir rien mangé depuis une éternité.

Un an... une longue année gâchée, une longue année où le monde ne s'est pas arrêté pour moi. La Terre a dû continuer à se dégrader sous les assauts des hommes. Une longue année où des guerres ont sûrement éclaté. Des gens sont morts et d'autres sont nés. J'ai peut-être manqué un événement majeur.

Je suis encore dans mon pays, je le sais. Le climat est similaire et les gens ici parlent ma langue.

La langue française est considérée comme l'une des plus belles. Pour la poésie des syllabes, et sûrement aussi pour sa complexité. Mais à cet instant, ce si doux dialecte est utilisé pour former un brouhaha complexe et désagréable.

Ils parlent, ils rient, comme si tout était normal. Leurs vies sont peut-être normales. Pas la mienne.

Hier, je me suis réveillée dans une chambre blanche, et toute la journée, mes certitudes ont été chamboulées. J'ai appris tellement de choses que mon esprit refuse de croire. Mes parents, mes capacités, cette organisation, mon père, Lucas, tout se brouille dans mon cerveau.

Je n'arrive pas à capter les conversations qui fusent autour de moi. Ils sont tous en treillis kaki, leur donnant un air beaucoup trop mature pour leurs âges. Ce ne sont que des adolescents qui m'entourent.

Ce matin, des vêtements ont déposé sur le bureau clair. Des habits sobres, qui se limitent à un pantalon en jean, et à un T-shirt simple et basique, de couleur noir. La chambre dans laquelle je me suis réveillée à l'aube, était similaire à celle de la veille. Même bureau d'étudiant standard, mêmes murs blancs et flippants, même ambiance neutre et médicale.

Nous ne sommes que trois, dans le grand réfectoire de l'institut, à avoir ce même T-shirt. Des points sombres dans cet océan de vert autoritaire. Lucas est juste à ma droite, il mange simplement. Le pain croque sous ses dents blanches et parfaitement alignées. Son café, sans sucre ni lait, doit être amer et âcre. Pourtant, aucune grimace ne vient brouiller ses traits harmonieux, comme s'il en prenait tous les matins. Ce qui doit sûrement être le cas en y réfléchissant cinq secondes. Catherine est quelques mètres plus loin, parlant avec d'autres filles de son âge.

Lucas est silencieux, mangeant seulement. Je lui suis reconnaissante de ne pas essayer de faire la conversation. Parler n'ai pas mon activité préférée. De plus, s'il arrive à me faire vendre mes secrets, à cet instant, il y a trop de monde autour. Trop d'oreilles qui peuvent écouter mes histoires. Trop de cœurs qui veulent me juger. Être au milieu de tout ce monde me rend mal à l'aise. La foule, le bruit, les regards, trop d'éléments potentiellement stressants pour que je me sente bien.

Les goûts des aliments explosent dans ma bouche. Mes papilles ont été endormies pendant trop longtemps. Par contre, avec ce bruit constant, mes tympans seraient peut-être mieux s'ils étaient encore endormis. Tout ce vacarme.

Moi, je mâche en silence cette nourriture aux goûts exquis. Les fruits sont sucrés, les viennoiseries excellentes. La nourriture est la passion de certains, et à cet instant, je le comprends. Me remplir l'estomac de la sorte, lentement et avec délicatesse, c'est apaisant.

Je suis en vie. Je vois, j'entends, je savoure. Je suis un être vivant, et toute cette histoire complètement dingue ne m'empêchera pas de me sentir vivante. Je me dois de déguster la seconde chance que le destin m'octroie.

Quand la vie dit non, la mort prend le relaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant