Chapitre 1.1

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Emma, je m'appelle Emma.

Et à ce moment précis, la seule chose que je peux dire, c'est "putain, ma tête ! ". Mon crâne va exploser, j'en suis sûre.

J'ai mal partout, mon corps n'est que douleur.

Je crois que j'en ai pris trop cette fois. J'ai fait une overdose ?

Je crois bien que oui.

Avant mon adolescence, j'étais une gamine normale. J'étais comme tout le monde. Puis j'en ai eu marre, de toujours faire semblant que tout va bien, j'appelle ça la persécution du bonheur. Pourquoi l'être humain s'impose comme summum de la vie, le bonheur parfait ? Je sais que ce que je dis est étrange. Je dois divaguer. Je ne sais même pas si je suis encore en vie. Je me doute que oui, sinon je ne ressentirai pas cette douleur.

Un jour, je m'étais demandée comment je voudrais mourir. Je n'avais jamais imaginé mourir à cause de la drogue. C'est pitoyable. Pourquoi j'ai sombré ? Pour des folles idées qui me soufflaient de vivre ma vie comme une démente. Résultat, je n'en ai plus. Je me vois déjà errer pendant une éternité, dans mes souvenirs, dans ma douleur, dans mes regrets et mes déceptions. Mais pourquoi je suis si défaitiste ? Je suis peut-être dans le coma, ou qui sait en mort pas vraiment cérébrale. Il faudrait que je me réveille pour ça, que j'ouvre les yeux, que je bouge un doigt. Mais j'en suis incapable, mon corps ne répond pas. Comme si j'étais l'habitante d'un vaisseau qui ne répondait plus aux appels. Comme dans les films où l'astronaute est livré à lui-même. Et bien, pour moi, cela doit être similaire. Je suis sûrement en vie.

J'entends un bruit, on dirait un souffle ou un frottement. C'est bien, ça veut dire que je ne suis pas morte. J'ai simplement plus accès à mon corps. Mais j'arrive à entendre, c'est rassurant, non ?

C'était doux, comme un lointain écho. Peut-être le vent, ou une porte qui s'ouvre ou qui se ferme. Ou un autre humain.

Je ne suis plus à l'aise avec les autres individus de mon espèce. Notre espèce est foncièrement mauvaise, on juge, on jalouse, on critique, on détruit. Alors, je n'ai jamais eu de vrais amis, je n'en avais pas envie. Je suis solitaire. Je n'ai jamais eu besoin de personne. J'aurais peut-être dût faire entrer quelqu'un dans ma vie. Un ami doit soutenir, non ? Il ou elle aurait pu m'aider, ou même me dissuader d'un jour commencer. Mais bon, à quoi ça sert d'imaginer comment ce se serait passé si ça avait été différent ? Si j'avais été différente ? On ne peut pas revenir en arrière.

Le bruit recommence, plus fort cette fois, plus près, plus concret. Je suis peut-être en train de me réveiller, je l'espère. Plus je pense, plus je me dis que je ne devrais pas baisser les bras. Je devrais essayer de changer, de faire les choses bien.

Je n'étais pas allée en cours depuis des mois, avant j'adorais les l'histoire. J'aimerais bien revoir ma professeur d'histoire. Elle m'avait plût à la rentrée. Un petit bout de femme, un lutin rempli d'amour. Elle m'avait lancé un petit regard, non de compassion et de dégoût comme les autres, mais de compréhension. Comme si elle aussi, avait vécu cette chute, cette descente aux enfers.

Vous savez ce que ça fait de passer de l'élève modèle, à la toxico de service ? Non, vous ne savez pas, et je vous souhaite de ne jamais le savoir. Et bien, quand on réussit, on est critiqué, jalousé, envié, et détesté. Les gens n'attendent que le faux pas de votre part. Je dois dire, que j'ai fait un sacré faux pas. Dès que j'ai commencé à déconner, le monde est devenu sombre. Les personnes qui avant me détestaient pour exprimer leur jalousie, me détestaient maintenant pour me montrer leur dégoût. J'étais alors à peine en seconde, j'avais 15 ans tout juste.

Je commence à voir de la lumière à travers mes paupières. Je suis donc bien en vie. Ma gorge me fait mal, comme si on la brûlait, je ne suis pas sûre de pouvoir parler. Je grogne, j'ai encore mes cordes vocales, c'est un bon point.

Mon corps souffre, je le sens. J'ai l'impression que mon sang bout. J'ai une grande douleur dans les côtes, je me suis peut-être cassée des côtes en tombant.

Mes parents... Ils doivent s'inquiéter. Depuis combien de temps suis-je dans cette état ? J'avais lu que peu de gens survivait à une overdose. Que le cœur, ne repartait pas souvent. Et que si c'était le cas, le patient prenait du temps, beaucoup de temps à se remettre. S'il se remettait, s'il n'avait pas de séquelles. Je n'espère pas. En même temps, je le mériterais, je ne mérite même pas d'être encore en vie.

J'essaye d'ouvrir doucement les yeux. D'abord, je ne vois que la lumière aveuglante. Ça doit faire longtemps que mes paupières ne se sont pas ouvertes. J'ai l'impression de regarder le soleil de face. Ça meurtrit mes pupilles mais je me force à maintenir mes yeux ouverts, je veux voir. Je veux vivre, je suis déterminée à recommencer ma vie, du bon côté de la société cette fois. Petit à petit, je distingue des formes floues. Une masse à droite, la lumière vient de gauche, je crois. Tout est très lumineux, on se croirait dans le désert. Mes yeux ne sont juste plus habitués. Je fixe ce qui doit être le plafond, jusqu'à ce que je commence à tout voir distinctement.

La masse à ma droite est un bureau en bois clair, il est complétement vide. Il y a deux tiroirs en dessous. C'est un bureau basique, qu'on peut facilement trouver dans tous les foyers étudiants du monde. La source de lumière, à droite, est une grande fenêtre. Il y a des rideaux blancs mais ils sont ouverts. Le soleil rentre dans la pièce. Je suis sur un lit, je crois. Je n'ai pas encore retrouvé l'usage de mon corps, même si la douleur s'est atténuée depuis que ma concentration est autre part. Les murs sont blancs, comme les murs d'un hôpital. Je suis dans un hôpital ? Je regarde autour de moi, pour trouver des machines médicales. Mais il n'y en a aucunes. Pourtant dans toutes les séries médicales, il y en a toujours. Je n'ai pas pu me nourrir durant la période où j'étais inconsciente. Je ne sais pas combien de temps, mais je pense quand même à plus de quelques jours. Alors il devrait y avoir des machines, ou des sondes, ou des poches, qui devraient m'apporter les vitamines suffisantes pour que mon corps se rétablisse. Si je ne suis pas dans un hôpital, où suis-je ? Je ne peux pas être chez moi, ma chambre a les murs bleus. Tout est blanc, il n'y a aucune poussière. Il n'y a aucun objet qui traîne. Où suis-je ?

Le bruit revient, maintenant je sais que c'est une porte qui s'ouvre doucement. Je ne peux pas bouger la tête pour voir de qui il s'agit. La personne reste à l'extérieur de mon champ de vision. Alors je n'entends que la voix grave et douce, qui murmure :

"Il était temps Emma... On t'attendait impatiemment... "  Emma, je m'appelle Emma.

Quand la vie dit non, la mort prend le relaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant