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L O L A

L'automne a toujours été ma saison favorite. Apercevoir toutes ces couleurs, rire des joues rosies par le froid, sauter dans les tas de feuilles préalablement ramassés. La fraîcheur automnale était une raison pour coller chaque millimètre de peau découverte sur notre être aimé, commander des tasses fumantes de chocolat chaud et prendre nos après-midi libres pour écouter des quantités industrielles de séries télévisées.

Le temps parfait, où tout semble tourner autour de la joie.

Seulement, j'aurais pu vivre tous ces moments si je n'habiterais pas un État où la surface est dépourvue d'un seul flocon de neige et que même la pluie surprend la populace. La seule fois où j'ai vu de la neige remonte à il y a dix ans, quand ma famille et moi étions allés chez tante Lissa, qui habite dans un chalet délabré sur un coin de terre quelque part en Caroline du Nord. Mon cadet, Chase, avait trois années à son compteur. La seule chose que je puisse me rappeler est que nous nous étions disputés pour une pelle rouge et qu'il m'avait donné un coup sur le nez. Nous avions dû passer le réveillon à l'hôpital puis les festivités enfermés dans nos chambres. Triste.

Je sors du taxi à l'odeur nauséeuse puis pose les pieds sur le chemin de gravier. Devant moi se tient une grande bâtisse, décorée d'un panneau où il est inscrit "Jayk River's Academy" en grosses lettres rouges. Je ne sais point qui est Jayk River, mais il doit être fier car son pensionnat semble faire deux fois la taille du Pentagone.

Je prend mes lourdes valises en mains puis me dirige vers l'entrée. Une odeur de vanille et de produits nettoyants aromatisés au citron flotte dans l'air. Une dame d'âge mûr me remet une clé puis un feuillet expliquant le fonctionnement de la Jayk River's Academy puis passe au prochain élève en faussant un sourire. Je marche quelques minutes dans les corridors longeant les dortoirs, fixant les chiffres dorés placés en dessus du judas. Trouvant enfin la chambre 48, j'insère la clé dans la serrure puis tourne la poignée.

Mes cheveux pendouillent devant mon visage comme j'essaie de décrypter les traits de mes nouvelles colocataires. Une brunette est assise sur un lit, feuilletant un manuel "Finances" en adoptant un air sérieux. Une fille aux cheveux noirs brillants est elle aussi assise dans un lit, les yeux rivés sur l'écran de son ordinateur portable et le visage illuminé par la lumière engendrée par celui-ci.

Voyant qu'elles restent muettes, je les salue d'un ton qui se veut joyeux. Elles lèvent les yeux vers moi en souriant. Celle à la crinière de jais s'avance vers moi puis tourne la tête vers son acolyte.

— Je suis Maddie. Elle, c'est Quinn. Désolée de sa part ; elle est obsédée à l'idée d'entrer à Darthmouth en finances, explique-t'elle. Tu occuperas ce lit, dit Maddie en pointant le lit vacant à quelques pas de moi.

Je pose mes valises sur le lit, priant pour qu'il ne s'effondre pas à cause de l'énorme poids.

— Vous vous connaissez depuis longtemps ?, dis-je afin de briser le lourd silence.

— Depuis avant-hier. Mais tu es... ?

— Lola, honteuse, je souris.

Quinn ferme bruyamment son bouquin puis vient à notre rencontre.

— Salut ! J'espère que la vieille dame à l'entrée ne t'as pas trop effrayée !

Je ris comme quelqu'un toque à la porte ; si longtemps que l'idée que ce soir un code morse traverse mon esprit. Je n'ai le temps de répondre à la brunette que la porte s'ouvre à la volée, découvrant trois garçons de notre âge.

priory [h.s] ✓Où les histoires vivent. Découvrez maintenant