17. À la douleur

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C'était un de ces rares matins où je m'étais levé heureux. Heureux parce que je savais ce qui m'attendait. Parce que je savais précisément ce pour quoi je me levais. Et j'étais pressé. Pressé de rater ce foutu train.

J'avais enfoncé mon téléphone dans la poche de mon jogging et m'étais jeté hors de mon lit, envoyant voler mes couvertures d'un coup de pied bien placé avant de dévaler les escaliers en courant. Sans me soucier le moins du monde du boucan que je faisais. Puisqu'il n'y avait personne à la maison. Comme d'habitude.

Je m'étais rendu dans la cuisine, me sentant étrangement léger à l'idée de sécher les cours. Sécher les cours, pour le voir lui.

Un sourire s'était dessiné sur mes lèvres alors que j'avalais à grands coups de thé les 5 petites billes de médicament qu'on me forçait à prendre depuis trop longtemps déjà.

Je me sentais tellement bien. Parce qu'il m'avait proposé de rester avec lui. À ses côtés. Et qu'encore une fois, il m'ouvrait les portes de son royaume. Parce qu'il l'avait décidé.

Et plus il agissait de la sorte, plus ce minuscule espoir en moi enflait, serrant mon coeur dans une étreinte douce.

Je commençais à croire qu'on avait une chance tous les deux. Que lui et moi.. c'était possible.

J'avais secoué la tête. J'allais trop loin... Nous étions amis. Amis et rien d'autre, n'est-ce-pas?

Finalement, je m'étais dirigé vers la boite posée sur le plan de travail.

C'était le repas que m'avait préparé la femme de ménage de mes parents. C'était une dame d'une gentillesse débordante qui semblait vraiment attachée à ma famille.

Quand j'étais gamin, elle me préparait toujours de quoi déjeuner, parce qu'elle savait que ce qu'on nous servait à la cantine était immangeable. Et quand je lui avais demandé, hier soir, de me faire la même chose, elle avait semblé heureuse. Presque émue.

Dans cette maison, elle semblait être la seule personne à me porter un quelconque intérêt. La seule personne à s'inquiéter de ma santé. De mes études.

Mes parents, eux, étaient trop occupés à courir derrière leur pognon. Comme s'ils n'en avait pas assez.

Alors que j'examinais le contenu du panier repas, un sourire éperdu sur les lèvres, nous imaginant déjà le partager tout à l'heure; mon téléphone avait sonné.

C'était Mark. Qui comme tous les matins m'appelait pour s'assurer que je n'avais pas encore loupé mon réveil.

Jae'?

Lui-même.

J'viens pas en cours aujourd'hui, avait-il lâché d'un seul coup, une pointe de fierté dans sa voix monotone.

Ça tombe bien, moi non plus.

Alors il avait rit. Et moi aussi. Et personne n'avait posé de questions. Tout simplement, parce que nous avions toujours gardé nos secrets pour nous. Et que nous ne les déballions que fortement alcoolisés, écrasés dans son canapé.

Tu sais quoi? Ton mec ne m'a toujours pas ajouté sur snap.

J'avais souris, malgré moi. Et au fond, j'aurais voulu qu'il ait raison. J'aurais voulu pouvoir aimer Jeno. Et j'aurais tout fait pour qu'il éprouve la même chose. Mais ce n'était pas si simple. Rien n'était jamais si simple.

Il a bien fait, avais-je répondu, ma réaction impulsive me rappelant combien j'étais possessif avec lui. Alors que jamais, jamais il ne m'appartiendrait.

「 Il regardait passer les trains - Nomin 」Où les histoires vivent. Découvrez maintenant