9. À la nuit qui réunit

1.8K 349 140
                                    


Le soleil qui cognait contre la fenêtre de ma chambre m'avait tiré en douceur de mon sommeil, embrasant mon visage de rayons brûlants.

Aveuglé, j'avais tiré mes couvertures sur mon visage, en grognant un peu, pas vraiment pressé de sortir de mon lit. Ça faisait bien longtemps que je n'avais pas si bien dormi, et l'idée de rester un peu plus longtemps dans ma quiétude ne me déplaisait pas.

Puis la veille m'était revenue en mémoire alors que je me redressais lentement, frottant mes longs cils noirs du poing. Poing toujours fermé sur le mot du garçon au pinceau.

Un peu honteux à l'idée d'avoir dormi avec son message entre les doigts, j'avais esquissé un sourire. Et je m'étais sentit encore plus ridicule sachant que je souriais tout seul. Tout seul, mais plus tellement.

Il m'attendait. Enfin, c'est moi qui lui avais promis de l'attendre.

Je jetais un brusque coup d'oeil à mon réveil.

J'étais en retard. J'étais même plus qu'en retard.

J'avais dormi tellement longtemps que le train était déjà repartit. Depuis.. une heure ou deux.

Mon sourire s'était évaporé en un instant.

J'avais déplié mes doigts, lisant son petit mot encore et encore.

Et je m'en voulais. Terriblement.

J'avais brisé ma promesse.

Doucement, léthargique; de nouveau vide comme au lendemain du départ de Donghyuk, je m'étais levé. J'avais alors punaisé au mur le petit bout de papier du garçon à l'immense sourire, entre deux vieilles photos décolorées de mon meilleur ami, les bras enroulés autour de mon cou, en équilibre sur mon dos, nos deux visages se souriant allègrement.

Puis, comme chaque jour, comme avant, avant qu'il ne descende du train, je m'étais habillé, et j'étais partit sans déjeuner, enfourchant mon vélo pour faire ma tournée, saluant mon patron comme si je n'avais jamais braqué son téléphone.

Tout le jour, j'avais attendu la nuit.

Le train repassait le soir. En sens inverse.

Il devait le prendre. Et moi, je devais aller le voir. M'excuser. De ne pas l'avoir attendu. De ne pas avoir été là.

Alors, en même temps que le soleil rougissait les terres, j'avais couru. Traversant les champs comme j'avais l'habitude de le faire plus tôt le matin.

J'étais arrivé en avance, essoufflé, le coeur au bord des lèvres.

Je n'avais cessé de ruminer ma faute toute la journée, et je n'avais qu'une hate, c'était de me faire pardonner.

Je m'étais laissé tomber sur le banc, penché vers l'horizon. Et je l'avais attendu. Longtemps. Longtemps, et toujours les yeux grands ouverts. Cette fois, je ne le manquerais pas.

En retard de plusieurs heures, les wagons avaient fini par s'assoupir à quai, s'étouffant dans la fumée qu'ils dégageaient.

Sur mon banc, je fixais le dernier wagon.

Rien ne se passait.

Je n'en croyais pas mes yeux.

Ce n'était pas possible. Il devait être là.

Alors je m'étais levé de ce foutu banc. Et j'avais couru jusqu'au dernier wagon, regardant à travers les carreaux sales, d'où une vague lumière jaune filtrait.

Je le cherchais. Vite. Trop vite.

Puis je l'avais vu. J'avais toqué au carreau avec empressement.

Il avait tourné le visage. Son visage aux traits si fins qui s'étaient illuminés d'un sourire. Son sourire plus vaste que l'océan. Plus lumineux que la vie elle-même.

La seconde d'après, il se tenait en face de moi.

D'habitude, t'es jamais là, le soir, constata-t-il, les yeux rivés dans les miens.

Je suis désolé.. je.. je voulais venir ce matin. Mais pour une fois, j'ai réussi à dormir cette nuit... Excuse-moi.

Il avait secoué la tête, ses cheveux caramel lui tombant sur le front. Il ne m'en voulait même pas. Il s'était seulement inquiété de la raison de mes insomnies. Je lui avais répondu qu'il n'avait pas à s'en faire.

C'est juste que je ne voulais pas m'étendre trop à propos de Donghyuk.

Il était partit, point final.

Merci de m'avoir appelé hier, avait-il ajouté, ses yeux dérivants sur le sol, alors qu'il jouait avec ses mains, cachées dans les poches de son pantalon en toile.

J'ai dû braquer le seul téléphone du village, mais ça en valait la peine.

Je lui avais souris, avec les yeux, ma voix grave sonnant étrangement douce dans l'air glacial.

Je me disais bien que c'était pas un numéro de portable ça!

Il avait rit, tandis que je me frottais la nuque, gêné de ne pas posséder un téléphone, et internet. Comme tous les jeunes de mon age.

Puis d'un coup, il avait fait mine de me frapper le torse, son poing s'enfonçant dans mon sweat, alors qu'il me réprimandait :

Eh! Tu fais plus jamais ça pour moi, d'accord? J'veux pas que tu te fasses chopper..

Sa mine inquiète avait renforcé mon sourire, et, je lui avais dis, attrapant sa main qui continuait de s'abattre doucement sur moi comme pour me punir d'avoir fait une connerie hier :

Promis..  mais à la place, je viendrais te voir le soir alors. Pour me faire pardonner..

Ça me va, avait-il sourit, replongeant ses doigts dans ses poches, pour se réchauffer.

Un instant, nous n'avions fait que nous regarder. Me noyant dans ses prunelles chocolat. Et lui dans mes yeux clairs, qui ne cessaient plus de se muer en deux croissants de lunes.

Le train avait hurlé de nouveau.

Alors il s'était enfuit.

Mais cette fois, je ne lui avais pas laissé le temps de disparaitre.

J'avais enroulé mes longs doigts autour de son poignet, lui demandant au-dessus du vacarme ambiant :

Dis-moi au moins ton prénom!

Il avait scruté ma main, et je le tenais, pour qu'il ne s'envole plus.

Ses joues avaient pris la couleur des pivoines.

Jaemin. Na Jaemin.

Mon visage s'était illuminé. Le sien aussi.

Lentement, j'avais lâché son bras, presque à contre-coeur.

Et les portes s'étaient refermées sur lui.

Puis la nuit avait fait disparaitre les wagons dans son rideau d'obscurité.

Alors j'étais resté là, le silence m'oppressant, mon souffle s'élevant en volutes, alors que ma main tremblait.

Quelque chose n'allait pas.

Quelque chose n'allait pas avec toi, Jeno.

Qu'est-ce-qu'il t'arrivait?

_______

Petite précision. Pour ceux qui auraient remarqué que j'ai décris les yeux de Jeno comme étant clairs. Ecoutez, je sais qu'il a les yeux foncés. Mais il est tellement beau quand il porte des lentilles bleues que.. j'ai pas résisté.
En espérant que ce chapitre vous ai plu~

_______

「 Il regardait passer les trains - Nomin 」Où les histoires vivent. Découvrez maintenant