38. À notre fugue

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Des éclats de voix me parvenaient. Violents. Puis le crissement aigu d'un verre brisé au sol. Un hurlement. Puis des pas pressés dans les escaliers. Des pas pressés qui s'étaient arrêtés devant la porte de la salle de bain, où j'essayais de me débarrasser des résidus de l'oeuvre de Jaemin, que nous avions lamentablement détruite au creux de ses draps, quelques heures auparavant.

Jen? Je peux..? avait demandé sa voix, faible, éteinte, son ton détruit par la rage.

Inquiet, je m'étais empressé de lui accorder la permission, le regardant claquer la porte dans son dos alors qu'il se laissait glisser contre la paroi, ses yeux brillants rivés dans les miens.

Il m'avait observé en silence un moment, troquant lentement son expression haineuse pour un sourire attendri, ses prunelles brulant ma peau bien plus que le jet d'eau bouillant. Ses iris se baladant sur mon corps nu, le détaillant comme si j'avais été une statue. Et il avait rit, triste, passant ses doigts fins dans ses mèches caramel :

Si j'avais eu le temps.. j't'aurais dessiné.

J'avais souris, enfouissant une main gênée dans mes cheveux mouillés, en dégageant mon front. Geste qui avait enflammé ses iris.

Et j'avais l'air d'être sublime au fond de sa rétine. J'avais l'air parfait, comme si mon visage ne portait aucune trace de coups.

J'adorais voir ses yeux s'illuminer lorsqu'il me regardait, et j'aurais voulu me voir de la même façon qu'il le faisait.

Mais faut qu'on s'casse, avait-il dit soudainement, me sortant de mes rêveries.

J'avais alors coupé l'arrivée d'eau, muet, enroulant une serviette autour de ma taille qu'il contemplait, le regard de nouveau emplie de rage. Et je devinais que les cris que j'avais entendu en était la cause.

Qu'est-ce-qu'il s'est passé? avais-je demandé, en m'approchant de lui en douceur, me penchant à sa hauteur, relevant son visage d'une main mal habile.

Et il avait soupiré, connectant nos regards dans un échange silencieux, avant de m'attirer contre lui, cherchant un repère, une cachette, une protection réconfortante contre mon torse, dissimulant son visage dans mon cou, ses lèvres contre ma peau, tremblantes.

Il était resté ainsi, longtemps, sans rien dire, ses bras enroulés autour de moi, alors que je caressais son dos du pouce, mon front posé sur son épaule qui frémissait. Fragile.

Parle-moi, Jaemin.. je t'en prie, avais-je murmuré tout contre lui.

Mais il n'avait pas répondu, un nouveau soupir s'échappant de ses lèvres, faisant pleuvoir sur mon corps des centaines de frissons.

Après quelques secondes, il avait déposé un baiser sur ma joue, léger comme l'envol d'un oiseau, et il m'avait sourit, supportant seul ce qu'il avait sur le coeur :

Je vais faire nos sacs, je reviens.

Et il s'était enfuit, passant la tête par l'entrebâillement de la porte, m'indiquant de m'habiller, parce que comme ça, je l'empêchais de réfléchir. Et ça m'avait fait sourire, malgré tout.

Finalement, je m'étais traîné jusque sa chambre, dont les draps défaits me rappelaient l'amour que nous avions partagé.

Dont tout me rappelait à quel point nous nous aimions. Et à quel point il m'était douloureux de le voir souffrir.

Tu veux de l'aide? lui avais-je proposé, alors qu'il fourrait son appareil photo dans son sac.

Non.. ça va, merci, avait-il sourit, se levant doucement, avant de grimper sur son lit, décrochant un à un les dessins de moi épinglés aux murs, sous mon regard ébahi.

「 Il regardait passer les trains - Nomin 」Où les histoires vivent. Découvrez maintenant