20 Pour Sang

44

C'est la nausée qui tire Tiffany de sa torpeur.

La douleur l'assomme, elle a l'impression qu'un marteau s'abat sur sa tête sans discontinuer.

Elle ouvre les yeux et retient un gémissement de souffrance. Sa poitrine se soulève à un rythme effrayant, elle plaque par réflexe ses mains sur son ventre. Ses phalanges n'ont plus la couleur du sang et son tee shirt kaki a simplement jauni.

Elle soulève délicatement le tissu qui coopère avec réticence. Collé par du sang séché, le tee shirt irrite la peau de Tiffany. Elle grimace.

Elle finit par découvrir un bandage rougeoyant faisant le tour de son abdomen, c'est avec surprise qu'elle constate que la seule zone de douleur présente dans son corps est située dans son crâne. Elle décolle avec peine le bandage de son ventre et constate que la plaie béante de la veille a déjà bien commencé sa cicatrisation. Le sang semble avoir déjà cessé de couler.

Frissonnante, Tiffany balaie la pièce du regard et tombe sans mal sur une boîte de médicaments.

Évidemment.

Pour que sa blessure soit déjà presque guérie, il est évident qu'elle a été bourrée de gélules à un moment ou un autre.

Elle remarque qu'elle se trouve dans sa chambre et que sa main gauche est menottée au pied de son lit. La jeune fille s'agite, donne de grands coups de poignets et triture da sa main valide l'attache dans l'espoir de la faire céder, en vain.

Les rouges ont dû prendre des mesures de précautions.

Les événements de la veille lui reviennent comme des flashs. Elle revoit le visage souriant de Jack contraster avec la pâleur de celui d'Arthur.

Les yeux maintenant grands ouverts, elle s'appuie contre le dossier de son lit et réfléchit.

Vu la forte luminosité baignant dans la chambre, Tiffany estime être restée inconsciente le reste de la nuit ainsi qu'une bonne partie de la journée. La présence de menotte indique clairement qu'elle a été enfermée et mise hors d'état de nuire par les rouges.

Elle entend les dernières paroles de Jack résonner dans sa tête avant qu'elle ne sombre. Il ne lui faut qu'un instant pour comprendre que le garçon l'a fait accuser du meurtre d'Arthur à sa place afin que les rouges aient une excuse toute trouvée pour éliminer la jeune fille. Nul besoin d'utiliser la créature, Tiffany sera condamnée à l'offrande pour avoir transgressé l'une des principales règles du manoir.

Ç'aurait été trop facile pour Jack de simplement égorger l'archère aux côtés d'Arthur. Ç'aurait été un meurtre sans saveur, sans jouissance.

Tiffany glisse sa main valide sur son front et constate qu'elle pourrait sans mal faire cuire un œuf sur son crâne. Ses frissons n'ont cessé de la secouer et le sentiment d'être à la fois brûlante et frigorifiée ne l'ont pas quittée non plus.

Ils ont dû lui donner les gélules pour blessures graves et une fois de plus, Tiffany en subit les effets secondaires. La dernière fois, c'était des antidouleurs qu'elle avait ingéré et qui lui avaient provoqué des nausées. Cette fois de la fièvre. Il n'y a donc que son organisme qui ne les supporte pas ?

Une question la saisit. Pourquoi l'avoir guérie ? Pourquoi les rouges ont-ils pris la peine de la sauver d'une blessure probablement mortelle pour ensuite l'éliminer ?

Tiffany fronce les sourcils. Peut-être ne comptent-ils pas la tuer finalement. Se serait-elle trompée ?

Non, impossible.

Tiffany est perdue. Une foule d'informations se bouscule dans sa boîte crânienne.

Elle qui s'est toujours démarquée par sa débrouillardise ne dispose cette fois d'aucune ressource pour s'extirper de cet écueil.