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Cet oreiller trempé chaque matin et ces larmes séchées sur mon visage boursouflé était ma preuve que les journées se ressemblaient toutes. J'avais pris l'habitude du regard méprisant de papa à chaque instant qu'il prenait pour m'offrir son regard. J'étais morte depuis longtemps mais je faisais de mon mieux pour prouver que tout allait bien, que je tenais le coup.

Mais la vérité est que je ne vais pas bien. Je ne vais pas bien du tout. Je veux mourir, quitter cet atroce monde et cet horrible corps qu'est devenu le jouet de celui qui a participé à ma venu au monde. Je ne veux plus vivre ici, comme ça. Je ne veux plus porter ce nom, avoir ce père. Je ne veux plus recevoir de coups, d'insultes. Je veux être bien traitée.

Mes pensées, aussi désastreuses que celle de la veille, disparaissent en même temps que la chaleur de mon corps, lorsque la porte du café se referme derrière moi, coupant court aux multitudes de voix se trouvant à l'intérieur. Le vent frais me frappe brusquement au visage, refroidissant mon corps frêle en une minuscule seconde. J'aimerais mourir sous ce froid, maintenant.

Mais je ne peux pas.

Le sifflement du vend comble le silence de la rue étonnamment calme en ce samedi soir. Je frotte mes petites mains légèrement brûlées entres elles pour me réchauffer, avant d'entamer un premier pas, puis un autre jusqu'à ne pas m'arrêter.

Ce soir, comme tous les autres, je rentre à la maison. Un regard de mépris et de dégoût m'attendent à l'entrée de la porte de l'appartement tandis qu'une insulte m'attends dans le salon. Je fermerais la porte à clé, ce soir.

Comme tous les autres.

Je vais m'enrouler sous ma couverture et attendre le sommeil venir me chercher. Je vais attendre que mes yeux se ferment, et me réveiller demain matin. Et je recommencerais à attendre.

À attendre les mêmes choses que la veille.

— « Oh, petite ! »

Je m'arrête doucement à l'entente de cette voix. Est-ce à moi que l'on parle ? Je n'avais même pas remarqué que l'on me suivait, me veux t-on du mal ? Je me retourne. C'est un homme, une bouteille à la main. Il ne marche pas droit, il manque de tomber. Je ne dois pas rester là. Mes pas s'accélèrent du mieux que je peux malgré ma fatigue. Je veux dormir, me reposer.

Je veux respirer. Vivre.

Mon corps heurte brutalement un mur. Je lâche un cri face à la douleur que vient de recevoir mon dos. J'ouvre les yeux. L'homme est face à moi. Il me fait peur.

— « Pourquoi veux-tu t'échapper ? Tu es là au bon moment ! »

Il rit pendant que je sens des larmes couler sur mes joues. Je ferme les yeux en laissant mes larmes s'échapper. Je ne veux pas ça, pas maintenant. Je suis tellement fatiguée. S'il vous plaît.

Une autre fois. Pas aujourd'hui, je suis épuisée.

J'ai, avec les années, oublié le vrai sentiment de détresse. Celui où l'on hurle à s'en perdre la voix, où l'on pleure à n'en plus pouvoir respirer. Je laisse seulement les larmes couler calmement. Je ne crie pas, ne demande pas à l'aide, j'attends seulement que tout prenne fin. J'attends que vienne le moment où ses mains ne seront plus sur mon corps, ce moment où il me dira que c'est fini.

Papa me l'a appris. Et un jour, il m'a dit que je me débrouillais bien. C'était son compliment, le premier.

— « Aucune réaction ? Tu es bien trop.. calme pour moi. Voyons voir si ça va continuer. »

SAVE ME Où les histoires vivent. Découvrez maintenant