NOS CORPS AMBULANTS [TERMINÉ]

Chapitre 12 - Le Protocole Funeste de Colombe

En média : Sleeping At Last - Heart 

LUDOVIC

Tous les chemins ne mènent pas à Colombe, même si le lieu est parfaitement desservi et très bien indiqué. Pascale suit la direction comme si elle rentrait chez elle. Vraisemblablement, c'est chez elle. Elle me dépose sur mes roues et me laisse en autonomie, elle sait que j'aime me sentir libre. Il n'y a rien de pire qu'une personne qui saisit le contrôle de votre fauteuil sans permission préalable.

J'entre dans Colombe comme si j'entrais en Enfer, les flammes en moins mais les démons de tout le monde sont bien présents et exposés à leur insu. Je prends le premier l'ascenseur en doublant quelques personnes et me dirige dans l'étage souhaité, à savoir celui de neurologie. Ding !

J'ai toujours l'envie instinctive de fermer les yeux jusqu'à arriver devant la porte du bureau de Mr Hed. Éviter de voir la désolation du lieu, des visages et des âmes qui ont aujourd'hui pris la relève du handicap est une forme de défense immunitaire chez moi. Si je ne veux pas passer pour un impoli, je tâche de garder mes yeux au sol et de me défier à garder les roues de mon fauteuil dans l'axe du carrelage blanc jusqu'au terme de ma route. J'ai bien pris soin de coller mes pin's sur le côté gauche de ma veste en jean pour ne pas passer pour un étranger.

La porte de Mr Hed est ouverte, alors je rentre. Son bureau a totalement changé. Avant tout était vert et maintenant c'est : ton pastel noir, déco noire, plantes noires, moquette noire, livres noirs ... il est peut-être dans sa phase gothique, qui sait ? Décorateur dans l'âme, son bureau en est le miroir. Un Mr Hed heureux, c'est un bureau vert. Un Mr Hed professionnel, c'est un bureau noir au design plutôt fou pour l'endroit et pour sa profession. Ce type adore ça, le design. Il adore le design et il adore son métier. Il adore son métier car il adore les humains. Et il adore les humains car il a espoir. Il est l'éléphant dans la grande pièce qu'est Colombe. Il remarque une présence et lève ses yeux de philanthrope vers moi, enfin il les descend plutôt, car Mr Hed est plutôt grand, bien plus grand que tous les hommes que j'ai pu voir. C'est d'ailleurs à la limite de la provocation dans ce milieu-là. Prédestiné depuis l'enfance à vivre avec ce look de nerd nauséeux jusqu'à la fin de sa vie, il a fait dans l'audace aujourd'hui et porte de très jolies lunettes à rayures blanches et noires à la place de ses lunettes-mouches habituelles. Décidemment ce n'est pas une révolte, c'est une révolution qui a eu lieu dans le cerveau de cet homme. Un coup d'état du style, pour être un exact.

Sa grande bouche-à-dent s'ouvre en entier et j'ai l'impression qu'il va m'avaler. Il ouvre ses bras et s'agite vers moi pour venir m'enlacer !

— Ludovic ! s'écrie-t-il en me prenant dans ses bras.

Je pose ma tête sur son épaule, je le sens tapoté mon dos quelques fois puis se retirer. Il put le plastique désinfecté, et cette odeur qui me va directement dans le nez me répugne.