Prologue

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LUDOVIC

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LUDOVIC

« Mon histoire est tragique. »

Ce que j'ai vécu, je veux que vous le viviez. Je veux que vous fassiez l'effort de vivre à travers mon récit, et de vivre à travers mon corps, à travers ma paralysie, le temps de plusieurs pages, à travers la sensation que cela fait d'être de marbre.

Asseyez-vous confortablement, faites le moins de mouvements possible durant votre lecture, ne bougez plus vos mains, ni vos bras, ni vos jambes, ni vos orteils, doigts, torse, épaules, coudes, hanches, genoux, et restez immobile. Restez immobile, comme une statue. Essayez de vous mettre dans mon corps, à ma place. C'est dur, n'est-ce pas ? De ne plus pouvoir bouger d'une seconde à l'autre, d'être prisonnier contre son gré.

Alors oui, c'est dur, mais rappelez-vous que vous pouvez toujours revenir en arrière, fermer ce bouquin ou éteindre votre écran, et bouger votre corps comme si rien ne s'était passé, comme si vous n'aviez été témoin de rien. Vous avez le choix. Oui, vous, vous avez ce choix-là. Moi, je ne l'ai plus.

Si l'épreuve de la paralysie n'était pas vraiment pour vous, essayez alors de lire mon histoire en vous remettant en question. Demandez-vous pendant cette lecture si vous méritez vraiment tout ce qui peut vous arriver de bon. Demandez-vous si vos plaintes immodérées et vos crises existentielles à répétitions valent le coup d'être exposées au monde. Demandez-vous si ce fond d'égoïsme qui pourrit en vous est utile à votre épanouissement personnel. Demandez-vous s'il ne vaut pas mieux sourire plutôt que faire la gueule en marchant dans la rue, parce que rappelez-vous que vous pouvez encore marcher.

Demandez-vous si toute cette négativité que vous voyez en tout n'est pas en réalité la source de l'accumulation de vos problèmes.

Dites-vous tout ça, et réfléchissez à votre vie. Chaque seconde est une opportunité qu'il nous fait saisir. Ne gâchez pas votre vie, ne perdez pas votre temps à vous morfondre, sinon prenez ma place, vous serez au premier rang pour vous plaindre avec toute la légitimité que vous voudrez. Mais si vous prenez ma place, vous prenez mon fauteuil et tout ce qui va avec.

Ce sont ça, mes conditions.

Je m'excuse si je vous ai offensé, je veux juste vous faire prendre conscience de l'importance de ce que vous avez dans le creux de vos mains et au fond de votre poitrine.

Maintenant, je vais vous demander de vous sentir vivre en me lisant, car vivre est le thème principal de l'histoire que je vais vous raconter. Apprendre à vivre, c'est un peu un combat de géant, lent mais primordial, dont le vainqueur comme le perdant en ressortirons évoluer, bien que dans mon histoire, il n'y a ni gagnant, ni battu. Il y a juste des âmes qui déambulent au rythme des vagues, des corps ambulants qui traversent la rue sur quatre roues, et des esprits qui vibrent frénétiquement au contact des événements hasardeux.

Mon histoire est tragique. Pas entièrement parce que j'ai eu un accident, mais elle est tragique parce que, dans un sens, c'est comme ça que vous déciderez de la voir. Parce que tout ce qui n'est pas vous n'est que pitié et tragédie. Parce que tout ce qui n'est pas vous ne peut pas être heureux de la même façon que vous l'êtes. Parce que tout ce qui n'est pas vous est caché derrière une barrière invisible qui vous ampute de tout sentiments normaux et vous condamne à l'empathie. Pas vrai ? Vous ne pensez pas ? Vous pensez être la morale incarnée ? Vous n'avez pas déjà regardé une femme en fauteuil roulant dans la rue en vous disant « pauvre créature », alors qu'elle est peut-être pleinement heureuse avec sa situation ? Vous n'avez jamais ignoré ce "clochard", comme vous l'appelez, au bord d'un bâtiment, alors que tout ce qu'il voulait était une simple réponse à son "bonjour" ? Ne vous voilez pas la face. Personne n'est tout blanc. Même moi, je ne le suis pas, mais la chose qui me différencie de vous sur ce tableau-là, c'est que moi aussi, je suis victime de vos regards, et qu'ils font plus de mal qu'une balle de plomb.

Moi, je ne suis pas comme vous, et pourtant mon histoire n'a pas été tragique sur toute la Ligne. Elle l'a été, vous le verrez, vous le vivrez, mais vous verrez aussi que le bonheur ne réside pas dans la perception physique que nous avons de nous-même et des autres. Avoir un corps en parfait état, des abdos pour l'été, ou une silhouette qui pourrait justifier ce bikini hors de prix que vous avez acheté, non, le bonheur ce n'est pas ça. Le bonheur, c'est savoir vivre avec ce qu'on a et avec ce qu'on est.

Je réduirais de moitié cette dernière phrase comme j'ai été réduit de moitié, en vous disant simplement que le bonheur, c'est savoir vivre.

Apprenez à vivre, faites-le pour vous ...

Lisez, libérez-vous, amusez-vous, riez, pleurez, criez !

Vous êtes ici pour vivre, alors vivez ...

Un Remrem qui vous souhaite de passer un très bon moment

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Un Remrem qui vous souhaite de passer un très bon moment.

NOS CORPS AMBULANTS [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant